mercredi 2 janvier 2013

253 Question de couleur

La fessée comme pratique entre adultes...

... apparaît au début du 20ème siècle en Allemagne dans une nouvelle lumière. Ce qui est resté pendant très longtemps un sujet entre éducateurs professionnels et surtout un non-dit social, le lien entre punition corporelle et excitation charnelle est mis sous les yeux de tout le monde dans les écrits de Freud vers 1905. Et par la suite bon nombre d'écrivains en tiennent compte. Comme par exemple Heinrich Mann qui en fait allusion dans son célèbre roman : « Le sujet de l'empereur ». Il prête ainsi d'étranges pratiques conjugales au Docteur Hessling et à sa femme Guste. Tandis que c'est le monsieur qui commande dans la vie quotidienne et notamment dans les affaires du couple, c'est Madame qui règne dans la chambre à coucher avec une main de fer. Rien n'est décrit de manière bien explicite, mais par exemple le lecteur attentif apprend dès le début du roman l'attirance du futur « sujet de l'empereur » et docteur d'université pour le Rohrstock, la canne. Au point de décorer le jour de l'anniversaire de son maître d'école, l'emblème de son pouvoir, le redoutable instrument de punition avec une guirlande de fleurs. Difficile de juger s'il s'agir d'un jolie pointe d'humour de Heinrich Mann ou une subtile observation du fétichisme qui accompagne certains fantaisies de flagellation.
Quoiqu'il en soit ce petit passage m'a provoqué d'intenses sueurs quand j'ai lu ce livre pendant mon adolescence. Sueurs non seulement pour avoir éveillé mes fantasmes les plus intimes, mais surtout par la subtile liaison, suggère par le roman, de ces derniers avec un statut de sujet inapte à une position critique envers l'autorité. Et Madame Hessling plus tard ne se prive pas de rappeler à son mari que la nuit il n'est plus le sujet de l'empereur, mais le sien.
Largement de quoi pour m'engager dans des longues réflexions sur le lien entre mes fantasmes et un éventuel masochisme social. Comment faire pour intégrer dans ma vie ce qui se détache d’une pratique en apparence purement disciplinaire ? Surprenante compréhension que les deux partenaires du couple en tirent du plaisir et épanouissement. Et que cela participe à la solidité du ménage. Grosso modo un stimulateur de libido conjugale et de bien être général. Toutefois la question de la perversion s'impose. Parmi les indénombrables essais de réponses sur la nature de cette expression, en voici une datant de la fin des années 20 du siècle dernier. Un joli exemple pour l’ouverture d’esprit de cette époque dans un langage qui colle parfaitement à ces temps-là :
« Toute sexualité est comparable à la lumière qui se compose d’un nombre incalculable de fréquences. Si certaines fréquences sont plus présentes que d’autres, ou si certaines sont absentes, on parle de «couleurs». Si toutes les fréquences sont synchronisées, nous avons de la lumière du jour "normale" incolore. Dans cette optique, ce que nous appelons «perversions» ce ne sont que certaines «couleurs» dans toute la panoplie de la sexualité. »
(Ernst Schertel ; traduction isabelle183)

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