Apprendre
les bonnes manières
Monsieur a horreur que je m'engage dans
les disputes. Il ne supporte pas que je ton monte. Il est un adepte
d’un échange calme et posé. Je me demande comment il fait pour
garder la tête froide en tout circonstance. Je l’admire beaucoup
sur ce point.
Ce matin-là - début de notre vie
commune – il a été témoin pour la première fois que je monte le
ton. Au téléphone. Et que je devienne même insultante. Criant à
haute voix et je ne faisant pas bonne figure du tout. Pourtant rien
de bien méchant. Plutôt du folklore entre deux dames à sang chaud,
mère et filles. Pour une broutille qui n'en valait pas la chandelle.
L’une comme l’autre, nous regrettons toujours avec le recul ce
genre de théâtrale discorde. On passe l’éponge et basta. L’une
comme l’autre nous ne sommes pas rancunières. Mon Papa pourrait en
parler en long et en large. Il lui est même arrivé d’éclater de
rire en face de ces deux femmes de sa vie qui se querellaient avec
ardeur. Réaction fort imprudente qui lui a mis aussitôt mère et
fille sur le dos. Le pauvre.
Monsieur porte un regard bien différent
sur ce genre de scène. Mais je ne le savais pas encore. La
conversation se termine sur un coup d'éclat, car je jette jeté
bruyamment l’écouteur sur le combiné. Très en colère, je me
tourne vers mon homme.
Tu
n’imagines même pas ce qu’elle a osée me dire, ma Maman.
Pas besoin
d’imaginer, isabelle. T’as crié tellement fort.
Fort remontée, je me prépare à
passer mes nerfs sur une autre personne. C’est presque un réflexe
depuis mon enfance dans une telle situation. J’ai raison et je veux
être approuvée. Mon Papa m’approuvait et m’approuve presque
toujours. Je m’apprête à reproduire le même mode de
fonctionnement.
Et
alors. Je n’ai pas raison !
Non !
Je marque un temps d’arrêt,
tellement sa réponse est sèche. Je reste la bouche ouverte et mon
regard fusille mon homme.
Va
voir si je suis.
Monsieur a une réaction qui me
surprend. Que je ne connais pas. Il m’attrape à l’oreille et
cela me mets dans une mauvaise posture.
Tu es mal
élevée, isabelle. Je vais m’occuper de ce que ton père a oublié
de t’inculquer. Le respect pour ta mère. On reprendra ton
éducation à zéro.
Là, je me sens toute petite. Pas
uniquement parce que je trouve que mon homme a bien raison. J’ai
dépassé des limites qui ne se dépassent pas. Étrange de me rendre
compte seulement à l’âge adulte. Je rougis. C’est bien rare.
Un petit instant plus tard, je médite
presque toute nue au coin devant un instrument récemment acquis. Une
belle canne en rotin. J’ai déjà fait l’expérience du bien fait
de cet instrument qui sait me remettre les idées en place. C’est
douloureux sur le coup, mais l’effet y est. Et c’est ce qui
compte aux yeux de Monsieur. Et aux miens aussi par la même
occasion.
J’ai
dû mal à comprendre comment certaines personnes arrivent à prendre
plaisir à la canne.
Je parle de ceux qui la reçoivent bien
entendu. Certes, la situation est un peu ambiguë et hautement
psychologique. Monsieur a insisté que je garde mes sous-vêtements.
Quelques unes au moins. Je déteste quand je suis punie, vêtue
seulement du stricte nécessaire qui me rappelle mon statut de femme
adulte. Apparence bien coquine, faisant honneur aux grands moyens
qu’une femme emploie pour séduire son homme. Pour lui changer les
idées, pour le mettre dans sa poche.
Mon rêve de jeune ado, de me parer
enfin de bas et porte-jarretelles, comme les séductrices
chevronnées, me pèse lourdement en ce moment. Malgré mes
apparences de grande dame, je vais me retrouver sous peu dans une
situation de plus inconfortable. Elle me rappelle mes rêveries des
pensionnats de jeunes filles. Elles étaient si plaisantes à
imaginer. Sauf qu’entre temps j’ai bien saisi la différence
entre une réalité douloureuse et un amusement de plus agréable
avant de m’endormir.
A suivre...