jeudi 28 février 2013

295 L'art d'être vilaine

J’ai été vilaine !

Il m’arrive assez fréquemment d’avoir des très vilaines envies. Notamment quand j’accomplie une activité répétitive ou rythmique. Quand je cire le parquet, les meubles, les chaussures. Quand je frotte les carreaux, la baignoire, les assiettes. Quand je repasse du linge et plus précisément celle mon homme.  Sans parler quand je fais de la danse, du vélo et la gym. Voila, avec moi la vie est simple et s'érotise facilement. Étrange sensation qui me fait…rire. Avant tout intellectuellement. Parce qu’il y a de quoi alimenter le mythe de la ménagère qui prend son pied en effectuant certaines taches. Bien que le rire dans ce cas peut s’apparenter aussi à une névrose de conversion et exprimer selon Otto Fenichel une déformation de l’émoustillement sexuel. Cette idée (me concernant) me parait bien plausible et mon homme a compris depuis longtemps la signification profonde quand je rie bêtement. Au lieu de briser ma bonne humeur par une réflexion désobligeante, il adopte un comportement de plus entreprenant. Parfois commencé par des chatouilles. La gentille pique, il la sort dans d’autres contextes :

Elle adore repasser, isabelle. Elle arrête pas de rigoler…

Et moi je rajoute facilement une couche :

Fallait pas ?

Pour le dire tout de suite, un rapport entre fessée et vilaines envies ne me semble pas systématique. Il se peut selon mes humeurs que je souhaite que mon homme s'occupe de moi « en homme » sur le champs, comme il se peut que j'ai envie d'être vilaine pour me gagner une correction. Pour chercher des explications à ces phénomènes rien de plus simple. Concernant la première configuration, il est bien connu que l'activité rythmique musculaire provoque d'intenses émois que l'on constate dès la prime enfance. Tandis que l'enfant ignore ce que lui arrive subitement, l'adulte a dépassé l'ignorance tant qu'en cernant la nature du phénomène tant concernant le remède. La deuxième constellation n'est pas bien différente de la première. L'activité rythmique a pris la forme d'un symptôme névrotique et sert à la fois de défenses et de substituts d’activités masturbatoires. Quelle idées aussi de décider sur un coup de tête de cirer toutes les chaussures de notre ménage ? Effectivement la psychanalyse permet de prendre conscience de la signification inconsciente d'un acte, ce qui n’empêche pas de continuer à éprouver du plaisir. Seulement on devient en quelque sorte observateur bienveillant de notre propre comportement et on arrive à bien s'amuser de nos petites incohérences.

J’ai discuté avec plusieurs dames qui adorent être « vilaine » dans l’intimité avec leur partenaire et ce petit mot ne veut rien dire de plus pour elles qu’être active et mener la danse. En gros, un truc qui retourne à :

Laisse-toi faire chéri !

Je suis peu étonnée que le mot « vilaine » sort dans un tel contexte. A mes oreilles c’est plus poétique qu’un autre, beaucoup plus utilisé et commençant pas sal… et finit par ...ope. Le langage est révélateur. Nous sommes loin encore d’une société qui admet qu’une dame puisse se montrer entreprenante sans retenue et sans recevoir en contrepartie un mépris verbal de pas mal de personnes. Disons que nos mœurs récréatives auraient besoin d’un sérieux lifting.

Il y a quelque temps lors d’un repas entre amis une dame avait déduit à partir de mon faible monogame qu’il me manquait des « vilaines envies ». Mon homme, en train de boire tranquillement son café a failli s’étouffer. C’était spontané et pas pour le moins joué. Le pauvre ! Il a avalé son café à travers et moi en compagne de plus soucieuse, j’ai eu peur pour lui. Puis un regard de plus hostile de ma part envers la dame, responsable de l’état de mon chéri adoré. Un méchant regard seulement, car je suis « trop bien éduquée » pour laisser libre cours à ce qui me passe dans un tel instant dans ma tête. D’habitude les gros mots ce n’est pas trop mon truc, mais comme en d’autres domaines j’ai une grande facilité pour me laisser aller, être vilaine dans mon langage perso. Pour mon homme le non-dit d’être vilaine est tout autre. Confidence qui date du début de notre relation et qui concerne essentiellement mes éventuels plaisirs en solitaire et mes petites rêveries. En fait, sur ces points, qu’est-ce qu’il est curieux. Je suis toujours épatée après plus de 14 ans de vie commune comme le mystère de l’émoustillement féminin le travaille.

Évidement je pourrais chercher une explication à ses petites irrationalités. Mais je ne vois pas l’utilité. Au contraire je fais bon usage de ses confidences pour lui faire plaisir. Sans me forcer. Je me suis rendue compte qu’il fait bon vivre dans son petit monde, bourré de clichés adorables et j’y ai trouvé une place qui me convient. D’un côté je passe beaucoup de temps à lui « confesser » le moindre fantasme qui me traverse la tête. De l’autre côté, très expérimentale de nature, je ne manque jamais d’idées pour surprendre mon chéri. Active et toute au contraire de certaines femmes qui décrivent un univers d’attente passive, j’aime produire des frissons inattendus à mon chouchou.

Seulement ma morale intérieure n’est pas toujours en accord avec des libertés que je me prends. Et le fait de m’avoir comportée en « vilaine » la veille, se traduit le lendemain matin parfois par des fortes envies de discipline stricte… parfois par l’envie de recommencer aussitôt. Il n’y a rien de systématique, mais l’une variante comme l’autre enchante mon homme. Et moi aussi par la même occasion. Bref, on ne s’ennuie pas. Peut-être une raison valable pour la longévité de notre couple.

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