mardi 19 février 2013

288 Question de maturité


« L'acte de fesser implique donc un grand manque de maturité...

... comme en témoigne la littérature abondante qui a été écrite au sujet des châtiments corporels (en particulier à l'époque victorienne). »

En lisant ce petit paragraphe me vient aussitôt à l'esprit un beau texte d'Edgar Morin qui parle de « l'ambition de la pensée simple qui était de contrôler et de maîtriser le réel ». Et bien étrangement les termes contrôler et maîtriser apparaissent aussi à maintes reprises dans la construction de certains fantasmes de la fessée. Ah, du pain béni alors pour lâcher quelques méchancetés sur le dos de ceux et celles qui ont des fantasmes un peu différents des miens ? Pas du tout. Je ne suis pas sur un travail en occupant une place de mercenaire de l'esprit et sensée de défendre les intérêts de mon employeur par une habile argumentation. Alors j'ai envie de couper tout de suite l'herbe sous les pieds de ceux et celles qui se servent du concept de la régression pour discréditer notre fantasme. Effectivement pour argumenter dans le sens d'une immaturité il faut chercher la faille dans une personnalité. Mais considérons simplement qu'en psychanalyse il existe au moins trois formes de régressions : celle de la personnalité, celle de la libido et celle du rapport envers les autres. Et rien qu'une spécificité de la libido suffit largement pour expliquer un goût pour la fessée. Pas besoin dans ce cas-là de faire appel à une soi-disante immaturité.

Cette citation n'est que le début d'une argumentation quelque peu étrange, déniché par l'ami Georges, extraite d'un article sur la fessée qui date et qui fut publié dans un magazine s’appelant le « Club pour homme ». L'auteur est un monsieur qui se nomme Karl Steiner et qui parle de récits sur notre sujet favoris de manière bien surprenante :

« Aussi exécrable et puéril que puisse être ce genre de littérature, nul doute qu'il répond aux besoins des fanas de la fessée. C'est la faiblesse même et l'immaturité de ce genre de texte qui présentent un intérêt pour les mordus des claques sur les fesses. Ceci dit sans vouloir être péjoratif, c'est une simple constatation. Si cette littérature était conçue de façon plus intellectuelle, si les phrases étaient mieux construites, si la ponctuation était plus exacte, elle n'aurait sans doute pas le même effet car c'est l'immaturité qui est l'essence même de l'acte de fesser... »

Effectivement, si ceux qui en parlent, n’arrivent pas à aligner correctement deux phrases et de plus se perdent dans le cliché de l'immaturité, il me paraît compréhensible que notre petit monde évoque seulement de l'incompréhension chez le large public. Heureusement l'auteur s'est bien trompé. Le goût pour de telles pratiques me semble innée chez pas mal d'êtres humains comme prouvent les bestsellers actuels à ce sujet. Il fallait seulement trouver les bon mots pour en parler. Car soyons clairs, même ayant un terrain favorable du moins pour les activités cuisantes, moi aussi je passe vite mon chemin quand je me trouve devant des textes, à l'aspiration intellectuelle ou pas qui se servent d'un vocabulaire particulièrement seyant. Ce qui ne veut pas dire que je sois dans la chambre à coucher une sainte ni-touche. Seulement il me manque l'étincelle qui établit un lien excitant entre activités du corps et la vaste panoplie de ce que je considère comme expressions grossières. Je pense que ce que souhaitent les lectrices lambda dont moi, ce n'est pas forcement une vision de l'amour aseptisée, mais une sans se faire insulter par son partenaire en faisant la chose.

Selon mon opinion personnelle la communication sur la fessée est assez bancale. Personne, même dans les régions très champêtres, n'ignore les vertus aphrodisiaques, mais la magie de ces corrections me semble se nourrir d'un contexte de sorte « névrotique » qui met en valeur « une punition », parfois qualifiée de « bien méritée ». Et là, il faut se poser la bonne question pour mieux comprendre autrui. Il me semble inutile d'essayer de comprendre pourquoi il y a ce désir, ce besoin de punition ou de punir. Plus fructueux me semble de comprendre quel genre de fantasme s'est greffé sur la constellation d'origine. Et ceci non pas dans un but de s'instruire sur la nature profonde de l'être humain, mais justement pour contribuer au mieux possible à l'épanouissement de son ou sa partenaire.

Je reviens sur ce texte qui semble vanter le mérité de la littérature de gare dont déjà Sartre était friand en « se faisant un petit roman illustré sur la fessée » dans « La nausée » juste avant de se pencher sur l’existentialisme. Étant hélas ( ?) intellectuelle sans pouvoir le cacher, je ne saurais rien dire sur le potentiel d’excitation d'une prose approximative. Seulement pour ma part je doute dans la véracité ce que prétend l'auteur de l'article...

2 commentaires:

  1. Effectivement, j'ai beaucoup de mal à adhérer à ce que raconte cet article. Pas seulement parce que j'entends bien faire des phrases correctes dans ce que j'écris sur la fessée - mais, même en admettant que la fessée rappelle une situation d'immaturité, eu quoi cela prouve que les textes qui en parlent doivent être immatures? Comme si un livre sur l'enfance devait être automatiquement enfantin, ou un livre sur le crime, criminel. Je crois plutôt que l'auteur de l'article est de mauvaise foi et fait semblant de se gausser pour mieux en parler et développer des clichés qui habitent ses fantasmes. En tout cas, je ne change pas ma façon de lire quand le texte porte sur la fessée.
    Mais je suis un peu perdu même en dehors de cela. Que le jeu de fessée soit une forme de régression (je ne prends pas ici une quelconque définition précise, et encore moins psychanalytique, puisque je connais mal le terrain), est pour moi assez évident. en tout cas, c'est bien l'élément essentiel de nos jeux avec Constance. En revanche, je ne vois pas pourquoi ce serait nécessairement un mal. On sait bien mettre ces jeux entre parenthèses. Je suis parfaitement d'accord avec toi pour dire qu'il n'y a pas besoin d'aller chercher une quelconque immaturité - mais d'abord, qu'est-ce que l'immaturité au juste? J'ai l'impression qu'on en parle à tort et à travers. C'est surtout commode pour discréditer un adversaire, mais à part cela, je me méfie assez de ce terme. En revanche, je ne suis pas sûr du rapport entre le vocabulaire grossier (qui ne m'excite pas spécialement, bien au contraire) et cette fameuse immaturité.
    Finalement, je garde mes habitudes littéraires et mes fantasmes - même sans me décourager à comprendre comment ils se forment.

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  2. Je crois que je peux te fournir quelques éléments de réflexion, concrets et sérieux, qui vont plus loin que ce petit texte qui m'a laissée stupéfaite. Le psychanalyste Théodor Reik a considéré les phénomènes masochistes dans les années 50 (je crois) d'un point de vue très original. Voici quelques extraits qui donnent pas mal de bonnes raisons de discréditer de tels fantasmes :

    En commandant sa punition, le masochiste s’est rendu maître de sa destinée.

    Le masochiste est flexible. Il ne peut pas être brisé de l’extérieur. Il a une capacité infinie pour supporter une punition tout en sachant subconsciemment qu’il n’est pas vaincu.

    L’énergie combative cachée de son caractère le rend aussi difficile à manipuler, aussi peu malléable qu’une tonne de minerai de fer.

    La souffrance paraît comme un stimulant, l’humiliation comme un facteur exaltant.

    Il y a un principe qui conseille de ne jamais accepter une défaite. Le masochiste suit la règle contraire ; il admet toujours sa défaite mais est en réalité invincible. Sa capitulation complète a plus de force qu’une révolte ouverte ; parce qu’il ne résiste pas, il peut beaucoup supporter.
    Son obéissance anéantit les ordres de ses ennemis ; son acceptation honteuse et ridicule des autorités les rend impuissantes, et son acquiescement en leur puissance amène leur défaite.

    Voici un lien vers ce texte : http://archive.is/tQHt

    Ps: Je me pencherai sur le sujet de l'immaturité dès que j'aurais le temps. Alors...cela peut durer...

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