dimanche 17 mars 2013

302 La fessée au cinéma


Ah la fameuse guerre des sexes !

J'inaugure une nouvelle rubrique distrayante. Pas vraiment des critiques de films, mais plutôt des réflexions inspirées par des scènes qui mettent notre sujet joliment en relief. Je commence par un extrait du film suédois Flickorna (Les filles) de 1968.

Il y a une scène quelque peu surréaliste dans ce film. Un homme entre dans un hall de gare. Un simulacre de dispute entre ce monsieur et une dame. Les deux semblent bien se connaître et la dame se met aussitôt en position de bouder. Le monsieur se montre exaspéré depuis le début de la scène. Je suppose à cause d’autres comportements antérieurs de la part de la dame. Alors il la met sur ces genoux pour lui appliquer une fessée devant les autres voyageurs qui approuvent son acte par leurs applaudissements. Mais ce n’est pas encore fini. Gros plan sur la dame qui elle aussi apprécie visiblement ce traitement et le montre par un grand sourire radieux.


Le tout reste volontairement dans le comique. A aucun moment la moindre impression s'impose que le monsieur agisse contre la volonté de la dame. Au contraire il semble accomplir son désir. Il n’est pas le but de mon blog de faire de la critique sociale. Loin de moi de vouloir fermer mes yeux sur un sujet aussi important, mais je trouve que le non-dit émotionnel des relations entre hommes et femmes mérite une aussi ample considération. Justement parce qu’un être humain n’est pas une entité purement rationnelle. C’est en établissant un juste équilibre entre les contraires que l’on s’approche le plus à mon avis des secrets de « la nature humaine ».

Un sujet qui semble travailler pas mal de personnes c’est le rapport entre le désir de vivre pleinement un fantasme de fessée disciplinaire et une position féministe.

Contradiction en apparence qui ne s’explique pas à mon avis par une « mauvaise conscience » quelque part envers les idées féministes. Pour éclairer un peu ce mystère, c'est-à-dire pour mon plaisir perso de me projeter à la place de la jeune femme du clip sans renoncer en rien à mes positions féministes, il suffit de savoir que le film est inspiré par Aristophane. Détail vraiment important. A ma connaissance Aristophane est le premier auteur à pointer le doigt sur un phénomène qui s’appelle la guerre des sexes. Stratégie de certaines femmes qui consiste à exercer une pression sur le monsieur en se refusant à lui. Et dans un degré moindre comme un comportement qui pourrait être qualifié d’emmerdeuse. Mais au lieu d’utiliser cette thématique un peu trop facile pour amuser le spectateur, il lui donne une dimension politique et sociale par la bouche de sa héroïne Lysistrata.

« Pour arrêter la guerre, refusez-vous à vos maris ».

Évidement Lysistrata parle d’une vraie guerre qui fait ravage entre Athènes et Sparte. C’est pour moi en quelque sorte un germe de féminisme qui faute de pouvoir intervenir directement sur ce monde, se sert habilement de la ruse féminine pour parvenir à un noble but. Seulement la stratégie de la guerre des sexes n’a pas toujours un but aussi noble et peut se révéler comme une arme redoutable dans la main ou plutôt le corps d’une femme qui cherche son intérêt personnel en face d’un homme. Prenant parfois des formes les plus grotesques.

La stratégie de « la guerre des sexes » me semble la principale cause de nos jours qui discrédité les excellentes et légitimes idées du féminisme et qui les entoure d’un aura de ridicule, voire de comédie de boulevard. Une femme se comportant de cette manière évoque rarement de la sympathie. Ni de la part des hommes, ce qui est peu étonnant, mais non pas aussi de la part des autres femmes. Mais de l’autre côté une telle femme n’est pas un monstre non plus et l’issu de la fessée me parait une élégante solution cinématographique qui ne se justifié en aucun cas dans la réalité. Ceci dit, n’oublions pas que le but du film semble être un amusement quelque peu burlesque.

L’intérêt de mon petit exposé : Ne jamais confondre la part de féministe en une femme et sa part qui joue à la guerre des sexes.

Je sais de quoi je parle. Je n’aime pas du tout mes aspects « guerre de sexe » qui abusent de mes charmes naturels pour m’assurer encore plus de confort et agrément de la vie auprès de mon homme. Et je m’en passerais volontairement, car dans ces situations, je me trouve moi-même avec le recul lourde et pénible.  Seulement le plus souvent c’est plus fort que moi et je le reconnais.

Disons qu’un homme qui souhaiterait me fesser parce que j’ai des idées féministes se prendrait vite la porte avec moi. Et puis quoi encore? Par contre un qui me prête « main forte » pour corriger  mes excèdes involontaires de « guerre de sexe » trouve toute mon approbation…et dans ce sens mes fessées me semblent plus que justifiées !

4 commentaires:

  1. Charles Mc-Miche18 mars 2013 à 14:43

    Bonjour Isabelle !!
    Bon retour en votre royaume ! Rien de mieux que faire une pause champêtre de temps en temps !! Nous sommes tous et toutes suspendu/es ... à vos Posts !!!
    Vous inaugurez un nouveau chapitre qui ne manque pas d'illustrations dans le domaine de la fessée conjugale. Votre récit me fait penser à cette "mode " du cinéma US, surtout, des années 1950 et 1960 où parfois les différents dans le couple se réglaient au final par une fessée sur le séant de l'épouse qui semblait toujours la cause des malheurs du foyer! Mais la morale semblait sauf pour l'époque.
    Les deux derniers paragraphes de votre récit m'évoqueraient une sorte de "mea culpa" (?) après ce que j'appellerais "le syndrome du paquet de bonbons" : on ne résiste pas à la tentation des friandises ainsi offertes même si l'on doit ensuite faire amende honorable... au Père/Mère fouettard/e, redresseur/e de torts ! Chassez le naturel... A suivre. Bonne après-midi à vous Isabelle. Charles.

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  2. Le syndrome du paquet de bonbons? Effectivement il y a un peu de cela. Je dirais avec d'autres mots: Se faire bien fesser pour mieux jouir. Et on voit bien où se trouve la culpabilité. Dans le besoin du coup de main salutaire. Le cinéma de son côté comme usine à faire rêver gomme cette culpabilité.Et ceci est un mérité non négligeable.

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    1. Finalement, c'est une belle boucle: si j'ai ben suivi, la culpabilité est encore la culpabilité de la jouissance, qui attire la punition qui lève un instant la culpabilité et permet la jouissance. C'est peut-être tant mieux pour cette dernière.
      En revanche, pour ce qui est de la guerre des sexes chez Aristophane, je ne suis pas sûr qu'on puisse vraiment dire qu'il est le premier auteur à l'avoir pointé du doigt. Aristophane reste un homme, Athénien, et traditionaliste comme une bonne partie des comiques (le rire est plus facile quand il y a une connivence avec le public, et la connivence repose sur les représentations et stéréotypes partagés - donc, il a un important potentiel conservateur). La guerre des sexes est pour lui non une réalité sociale, mais une monstruosité, cocasse donc drôle, tout comme la ville suspendue dans les nuages. Ou alors, s'il y a bien une "guerre des sexes", elle est masculine: l'exclusion des femmes est en fait très profonde dans la société athénienne qui voudrait se croire autochtone - d'après "Les Enfants d'Athéna", le grand livre de Nicole Loraux (aux Points Seuil).

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    2. C'est mon psychanalyste qui me parlait souvent des mœurs chez les anciens grecs. Il me trouvait beaucoup de naïveté envers le monde des messieurs. Et effectivement étant toujours tombée sur des messieurs adorables dans ma vie, je ne me méfie pas assez de leurs subtilités. Disons que j'ai tendance à voir la positif où l'intention cache autre chose.
      Raison de plus pour moi de ne pas apprécier du tout le second dégrée qui lui me semble une arnaque claire envers la dame....

      Quand à la culpabilité de la jouissance, c'est ce qui saute d'abord aux yeux avec les fantasmes. Mais conclusion personnelle derrière chaque fantasme de fessée se cache au moins un autre qui justifie largement la fessée sur un point de vue fantasmatique.

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