La pensée
humaine sur le fantasme, c'est ma grande passion !
En faisant des recherches sur le sujet
de mon blog, je suis tombée sur un énième article qui cite et
parle de Rousseau. Mais contrairement à d'autres auteur, nous
trouvons ici une tentative d'explication que je trouve intéressante.
Comme d'habitude dans des tels cas, je m'abstiens . de commentaire.
Que chacun se crée son opinion par lui-même. De plus le texte même
contient déjà un critique d'un contemporain.
Mais avant de reproduire cet extrait,
je voudrais d'abord attirer votre attention sur une petite note joint
à ce texte qui fournit à mon avis particulièrement de la matière
à réflexion et dont la conclusion rejoint en quelque sorte ma
philosophie personnelle du « fiat lux (que la lumière
soit)» :
Signalons seulement... ce que le Dr
Maranon dit du rôle de la mère et de la nécessité de l'éducation
sexuelle : C'est la mère, sculpteur suprême de l'âme de
ses enfants, qui presque toujours est responsable, nous osons
l'affirmer,... d'une façon générale de « perversion» de
l'instinct de l'homme. Celui-ci, à son tour, a le pouvoir d'agir sur
la conduite sexuelle de la femme. Pour que chacun fasse correctement
son devoir, il faut que l'homme et la femme prennent conscience de ce
qu'ils doivent être. Et pour cela, il faut qu'ils le sachent
d'avance. Nous arrivons donc, comme à la clef de voûte d'un arc, à
cette conclusion :
«Il faut
savoir ; il faut remplacer le mystère du sexe par la vérité du
sexe ; la chasteté dangereuse de l'ignorance, qui ne sachant rien
invente tout, par la chasteté sereine dé la science. »
(Bibliothèque nationale de France)
Et voilà l'extrait du texte :
...nous ne pourrions terminer cette
chronique sans parler des idées très neuves et très fécondes de
l'auteur sur les mécanismes de l'attraction sexuelle. Il nous
explique d'abord que la sexualité va se spécialisant à mesure
qu'on s'élève. Le chien recherche la femelle in génère,
c'est-à-dire n'importe quelle femelle. Certains hommes en sont
restés à cette étape. Mais à mesure qu'on s'élève il se produit
une différenciation. Le réflexe érotique devient conditionné par
un ensemble de circonstances souvent très complexes :
Il n'est pas douteux que ce mécanisme
de différenciation progressive de l'objet sexuel ne soit lié par un
processus d'association, au réflexe érotique d'un ensemble de
circonstances qui furent présentes à ses premières manifestations
et réalisèrent, dans un sens déterminé, le déclenchement de ce
réflexe. En somme un mécanisme comparable à celui des réflexes
conditionnés de Pavlov. Il est certain, par exemple, que l'homme qui
se sent particulièrement attiré par les femmes blondes doit ses
premières impressions à une blonde réelle ou symbolique....
Tout le monde a entendu parler des
expériences de Pavlov sur le réflexe salivaire. On prend un chien
que l'on met en présence d'une appétissante pâtée. L'appétit du
chien étant excité, l'eau lui en vient a la gueule, il se met à
baver. Autrement dit, la vue de la pâtée détermine un réflexe des
glandes salivaires qui se mettent à sécréter abondamment. On dit
que la salivation est conditionnée par un excitant visuel (la
représentation de la pâtée, enregistrée par la rétine du chien).
Pavlov a eu l'idée d'associer, puis de substituer à cet excitant
d'autres excitants très divers. Par exemple on fait entendre au
chien, au moment où on lui présente la pâtée, une sonnerie
électrique. Au bout d'un certain temps, le bruit de la sonnerie
suffit à lui seul, en l'absence de toute pâtée, à faire saliver
le chien. Le réflexe du chien est désormais conditionné par cet
excitant auditif. On peut remplacer la sonnerie par un autre bruit,
par une odeur... à peu près n'importe quel excitant, pourvu qu'il
ait été associé assez longtemps avec la vue de la pâtée.
Dans l'hypothèse du Dr Maranon,
l'appétence amoureuse peut être conditionnée exactement comme
l'appétit du chien. Le réflexe érotique n'est qu'un réflexe comme
tous les autres, ne différant pas essentiellement du réflexe
salivaire. C'est, pour ainsi dire, la femme qui représente la pâtée.
Mais ce sont les hasards de la vie qui jouent le rôle du
physiologiste, et associent, parfois bien facétieusement, à
l'époque des premiers désirs, le mécanisme de l'appétit érotique
avec les conditions les plus diverses et même les plus bizarres. Le
Dr Maranon note avec beaucoup de pénétration que la plupart des cas
de fétichisme sexuel, qui ont fait couler tant d'encre, peuvent et
même doivent s'expliquer de cette façon. Le goût bien connu de
Restif de la Bretonne (et de tant d'autres) pour les chaussures de
femme, vient sans doute d'une association de ce genre imposée par le
hasard à Restif à l'aube de sa vie sexuelle. Une chaussure, en soi,
n'est qu'un morceau de cuir qui n'a rien d'excitant, pas plus qu'une
sonnerie électrique n'est appétissante ; mais la représentation
des chaussures de femme s'était trouvée associée intimement à
l'idée de féminité. Un autre cas bien connu du même genre est
celui de Rousseau, cité par le Dr Maranon. Rousseau a raconté
lui-même dans ses Confessions comment l'un de ses premiers émois,
le premier peut-être, lui vint lorsque, pour quelque peccadille, il
reçut une fessée de la blanche main de Mademoiselle Lambercier. «
Mais, ajoute-t-il, lorsque les progrès des années firent de moi un
homme, mes tendances d'enfant, au lieu de s'évanouir, restèrent
associées à elle, et de telle sorte que je ne pus jamais les
séparer du désir allumé par mes sens ; et cette anomalie, jointe à
ma timidité naturelle, m'a toujours rendu tant soit peu embarrassé
avec les femmes. »
A vrai dire, le Dr Maranon semble voir
surtout là dedans un cas de timidité. Je crois qu'il ne s'agit pas
seulement de timidité. Comme le docteur finit par le dire lui-même
incidemment, il s'agit du « conditionnement infantile du réflexe
érotique . Rousseau a été fessé par Mademoiselle Lambercier au
moment où ses glandes sexuelles commençaient â fonctionner, et la
fessée est devenue pour lui ce que la sonnerie électrique est pour
le chien de Pavlov. Ceci nous est parfaitement confirmé par d'autres
textes que M. Maranon ne cite pas. Les Mémoires secrets du XVIIIe
siècle nous apprennent que Rousseau allait chaque semaine dans une
maison de tolérance se faire fesser pour un petit écu. Rousseau
lui-même, dans un autre passage des Confessions, à propos de sa
manie d'exhibition, raconte comment il mettait culotte bas sur le
passage des femmes, au fond d'une allée obscure ; et il a bien soin
de préciser que ce qu'il montrait, c'était « l'objet sale, et non
l'objet honteux. C'est que cette exhibition était pour lui comme un
prélude de la fessée, un commencement d'exécution de la
« condition » nécessaire au déclenchement du réflexe. D'où le
plaisir qu'il éprouvait à faire ce geste, ô première
vue si absurde.
A suivre...
Bonjour Isabelle !!
RépondreSupprimerExtrèmement intéressant, cet article. On cite souvent JJ Rousseau par rapport à ces amours et l'épisode de cette fameuse fessée reçue de sa préceptrice(?). Il fut le protégé de deux femmes de la noblesse. Il illustre bien que le fétichisme était déjà à l'époque (et peut-être même avant) un déclencheur de sensations intimes très physiques. On a même l'impression que ce fétichisme ne touche que les hommes, beaucoup plus que les femmes. Me trompes-je ? Tout commence à la période l'adolescence et de l'éveil aux "choses de la vie" et dans un contexte d'éducation stricte, la découverte par soi-même doit se faire avec précautions, voire par une sorte de substitution, une forme de métaphore. Etrange alchimie des sentiments. A suivre. Bonne journée. Mac-Miche.
Cher monsieur Mac-Miche,
Supprimerpour le fétichisme chez les dames il suffit de lire Simone de Beauvoir. Contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes elle donne pas mal d'explication sur les fantasmes des filles qui sont me concernant plus que crédibles, voire exactes. N'oublions pas que le deuxième sexe parle en grande partie de la sexualité féminine. Sinon quoi de plus facile pour vivre son fétichisme en étant une femme. Si j'ai envie de porter des talons hauts par exemple – à part un frustré – aucun homme ne pensera en terme de fétichisme. Je passerais plutôt pour une femme raffinée. Pensons aussi aux chanteuses et actrice avec des milliers de paires de chaussures dans leur placard, je crois 7000 rien que pour Maria Carey...
Je pense que c'est au moins en partie vrai pour moi: je peux mettre en relation certaines des choses "anormales" qui me font fantasmer avec des expériences infantiles ou adolescentes; j'en ai déjà parlé ici. Pareil pour mon épouse.
RépondreSupprimerNon que, dans un cas comme dans l'autre, ces expériences aient été sexuelles, ou encore moins qu'elles l'aient été voulues ainsi ou perçues à ce moment; mais elles ont laissé une trace dans notre imaginaire.
Ces expériences peuvent être réelles... ou issues de lectures.
Et pour vous, Isabelle?
Cher Pecan, je trouve essentiel ce que vous dites. D'ailleurs mon blog se base sur une recherche de cette fameuse trace dans l'imaginaire et de la nostalgie de cet imaginaire. Puis sur l'impacte de la puberté sur cet imaginaire et qui lui donne une autre dimension.
SupprimerConcrètement je n'ai eu enfant aucun contact avec la fessée punitive réelle. Elle a été évoqué par différents personnes et mon imagination a fait le reste. Personne ne m'a jamais pris la température de manière rectale. Et quant aux suppositoires j'ai un vague souvenir sans être sûre. D'ailleurs ces deux éléments datent de mon couple et j'ai pris immédiatement goût. Quant aux autres pratiques sexuelles qui me plaisent comme les sucettes par exemple, je ne me pose même pas de questions...
Pour ma part, j'ai effectivement reçu la fessée et des suppos... mais je détestais ces derniers! D'ailleurs je détestais aussi la fessée (c'était le but, hein), dont ma maman n'abusait pas. La température rectale? Aucun souvenir de me l'être faite prendre (en revanche, souvenir d'avoir dû la prendre moi-même), mais je suppose que cela m'est arrivé bébé... comme pour vous aussi je présume.
SupprimerToutes ces choses se sont mises en place plus tard: au moment où j'ai fortement senti l'attraction pour le sexe opposé et les envies "naturelles" (coït) et que j'ai fait mes premières expérimentations, j'ai eu parfois envie d'une femme plus âgée qui me fesserait. Puis encore plus indicible: cette femme s'occuperait également de l'orifice ainsi mis en évidence.
C'est très curieux cette transformation de ce qui nous dégoûtait en événement attendu.
Quant aux lavements, j'en avais vu en gravure et je trouvais la scène amusante, mais ça a été la surprise quand madame m'a proposé ce traitement.
Je pense qu'il ne faut pas surestimer la notion de dégoût. Souvent elle est un produit d'éducation. Il en existe deux formes : être dégoûte par quelque chose ou imaginer de devenir l’objet de dégoût dans les yeux d'autrui. C'est à dire pour la deuxième constellation de vivre une dévalorisation de soi par autrui. C'est à cette constellation que s'ajoute la notion de la honte. Concrètement, on vous dégoûte dans l'enfance d'un plaisir, on vous faisant croire en continuant de devenir un objet de dégoût pour autrui. C'est donc parfois un plaisir oublié qui se réactive à la puberté. Rien de bien méchant en fait. Il y a un belle phrase chez Wilhelm Reich sur la « génitalité idéale »: « Le Moi assume sans aucun sentiment de culpabilité la libido génitale ainsi que certaines tendances prégénitales du Ça en vue de les satisfaire. »
SupprimerL'expérience fondatrice peut sans doute être vécue par l'intermédiaire d'une lecture ou d'une image vue... Et la déclaration de principe que tu cites en début de ton post est très belle!
RépondreSupprimerEn revanche, de l'article, difficile de dire autre chose que le fait qu'il sent bien la médecine des années 1930! Et qu'on n'y voit guère Rousseau.
Finalement, l'explication qu'il propose, est très simple et ne va pas plus loin que le réflexe pavlovien. Soit, c'est ce qu'on aperçoit à la première lecture de Rousseau, si on ne se pose aucune question. L'auteur de l'article ne fait pas, parce que Rousseau n'est pas traité pour lui-même: il n'y voit qu'une application du modèle pavlovien. Par conséquent, on fait encore au texte de Rousseau la violence habituelle - d'un texte de cinq pages, il ne reste qu'un paragraphe, isolé, et réduit à tout ce que le médecin de l'entre-deux-guerres veut bien percevoir, à savoir une excitation des glandes. Son physiologisme - je ne suis pas du tout spécialiste de l'histoire de la médecine, mais je pense qu'il force le trait même par rapport aux connaissances de l'époque - est très visible, au moins aujourd'hui: remarquez qu'il attribue l'excitation sexuelle uniquement aux glandes, et il prête même à la rétine la faculté de conserver une représentation!
Il est compréhensible que les fétichistes de la fessée comme nous aient tendance à aplatir le passage de Rousseau en le lisant uniquement pour ce qu'il a de sexologique, mais il n'y a là rien de pionnier - le caractère érotique de la flagellation était bien connu déjà au XVIIIe siècle et avant. Mais ce dommage de vider le passage de tout ce qu'il a de psychologique...
Tenez, c'est un peu long (une trentaine de pages), mais c'est à mon sens la meilleure analyse du passage de la fessée, qui repose sur le niveau symbolique, et fournit une bonne analyse du "masochisme moral", par Philippe Lejeune: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/litt_0047-4800_1973_num_10_2_1067
Simon
Merci pour ce lien Simon. Cela tombe à pic parce que moi aussi j'ai une théorie toute personnelle sur cette histoire de fessée chez Rousseau. Bien évidement n'étant pas assez qualifiée ni en philo, ni en psychanalyse, je suis bien prudente pour en parler. Par contre je prends beaucoup de plaisir à lire ce que les spécialistes en pensent. Je n'ai pas en ce moment le temps d'étudier ce texte comme il faut. Peut-être trouverais-je une piste pour ma supposition que Rousseau essaye de cacher son vrai fantasme en mettant en avant cette anecdote. J'ai vu en survolant ce texte des allusions à l'affectivité et l'amour, mais j'ai l'impression qu'il existe entre la fessée et l'amour une autre « couche » qui devrait contenir des réponses intéressantes pour un blog comme le mien...
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