La
paix chez soi
C'est le titre d'une pièce
de théâtre qui date de 1903, écrite par Georges
Courteline. 110 plus tard elle se joue encore et amuse
autant les esprits que jadis. Ce qui prouve à mes yeux l’intérêt
pour l'indémodable sujet comment apaiser les tendances hostiles dans
un couple. Le rapport avec la discipline domestique saute aux yeux et
le monsieur dans la pièce ne manque pas de parler de ses expériences
de la fessée conjugale. Sans oublier avec beaucoup de perspicacité
de penser au retours du bâton que le châtiment se transforme en
partie de plaisir. Mais voyons d'abord un peu ce que le monsieur
reproche à sa dame :
-...avoir tranché une question sans
en connaître le premier mot, puis, convaincue de son erreur, s’y
être cramponnée de parti pris avec une insigne mauvaise foi, afin
d’avoir raison quand même et d’exaspérer le sieur Trielle,
homme modéré, patient et doux
-... avoir, le sieur Trielle ayant
exprimé le désir de dîner un quart d’heure plus tôt, fait
servir un quart d’heure plus tard et répondu audit Trielle qui se
plaignait sans acrimonie : « Si tu n’es pas content,
va-t’en dîner ailleurs. »
-... avoir traité le sieur Trielle
de crasseux et de sale grigou parce qu’il se refusait à acheter,
comme inutile et coûteuse, une lanterne à verres de couleur en
imitation de fer forgé.
-...avoir dit au sieur Trielle qui
regrettait l’absence d’abatis dans le bouillon : « Tu
répètes toujours la même chose », -- ce qui n’ était que
trop vrai.
-... lui avoir dit : « Te
rappelles-tu la fois où je t’ai pardonné d’être rentré à
sept heures du matin ?
Ah qu'elle est longue la liste. Il ne
serait pas un peu rancunier sur le bord ce mari ? Il note
soigneusement chaque faute de la dame pour lui présenter ensuite les
comptes. En recourant à un système particulièrement vicieux pour
raisonner madame. Un odieux chantage sur l'argent qu'il lui accorde
pour le ménage. Ô tempora ô mores. J'avoue d'être déçue, car
la place réservée à la fessée reste minime. En fait je ne
connaissais pas la pièce que j'ai découverte au travers d'une
appétissante
critique datant de 1903. Je cite :
Première représentation de la Paix
chez soi, comédie en un acte de M. Georges Gourteline. C'est
le simple badinage d'un homme d'esprit. M. Courteline nous
donne le moyen d'établir la paix dans notre ménage.
Votre femme
est-elle vive, pétulante, agressive, irrespectueuse? Vous lui mettez
la tète sous votre bras vous lui retroussez les jupes, et pan, pan,
pan, vous lui administrez une fessée.
Comment ? J'ai dit une fessée. «
Fessez fessez criait la mère la peau revient toujours. Ainsi
chantait Gautier-Garguille. Ainsi prêche M. Courteline. Que si
ce premier moyen ne réussit pas à rendre l'épouse douce, aimable,
obéissante et polie, vous passerez au système des amendes et ce
système là est infaillible toujours selon Courteline. Ainsi, vous
comptez tant pour une réplique impertinente, tant pour un acte de
rébellion, tant pour une menace anarchiste vous variez le
taux à votre gré de 4 fr. 95 (pourquoi 4 fr. 95, ô mon Dieu) à 0
fr. 5o. Et à la fin du mois, le jour de la récapitulation, votre
moitié est douce comme un agneau. A l'appui de son
dire, l'auteur de la Paix chez soi nous montre un
jeune ménage où « la Discorde en fureur frémit de toutes
parts ». Le mari essaye, ou plutôt a essayé, devant que
les chandelles fussent allumées la correction manuelle. Au lever du
rideau il inflige les amendes. Tant pour le mot grigou. Tant
pour n'avoir point exécuté la menace. Après un quart
d'heure de cette comptabilité, nous touchons au dénouement. La
maîtresse de céans reconnaît qu'elle a un seigneur et maître;
elle se courbe; elle implore son pardon et les deux artistes, M.
Signoret et M"« Sandra Fortier (une débutante assez
gentille, pour qu'on lui montre de l'indulgence) tombent dans les
bras l'un de l'autre. Ainsi finit la comédie.
Pour finir, comme promis les passages
faisant allusion à notre sujet favori :
Les premiers temps de notre mariage,
je... te tins des discours dictés par la douceur et par la
mansuétude mêmes… Peines perdues. Une fois que j’avais en vain,
une heure, procédé par le raisonnement, la patience m’échappa.
Je me levai, je te pris par le fond de tes jupes, puis, t’ayant
étroitement logée sous mon bras gauche, de ma dextre agitée du
geste familier aux lavandières à l’ouvrage, je t’administrai…
...cet acte d’autorité, que je
n’accomplis pas en pure perte, t’inspira de saines réflexions.
J’en sus quelque temps entretenir les bienfaits à l’aide de
nouvelles fessées appliquées avec à-propos...
Malheureusement, vous autres femmes
vous vous blasez tout de suite sur les meilleures choses. Je vis
venir avec tristesse le moment où les corrections t’allaient
devenir indifférentes en attendant qu’elles te devinssent
agréables...
Bonjour Isabelle !
RépondreSupprimerAh les comédies de vaudeville !! Quelle méli-mélo de situations: infidélité, Qui-proquos et autres burlesque. Courteline et Feydeau deux noms connus pour leur comédies un peu "légères". Une recette qui marche toujours quelque soit l'époque. Je me souviens d'une pièce de théâtre des années 1970/1980 avec le comédien Marco Perrin (complice à la TV des sketches de Henri Salvador). Il jouait dans cette pièce intitulée "Armande" (ou bien "La fessée") un mari trompé qui fessait son épouse devant un balcon hilare (?) de voisins et voisines. Peut-être en avez-vous entendu parler ?
Bon'journée. Mac-Miche.
J'ai entendu de cette pièce ou plutôt j'ai lu des articles datant de 1937 qui en parlent. Comme d'habitude je suis trop plongée dans la docu pour me consacrer à la chose même.
SupprimerJ'aimais bien Courteline quand j'étais petite, et ma mère avait une sorte "d'oeuvres complètes" dans sa bibliothèque. J'avais lu "La paix chez soi" mais ça ne m'avait pas autant fait rire que "Théodore cherche des allumettes", petite pièce courte où un ado rentre beurré comme une tartine chez ses parents et multiplie les gaffes et les maladresses. Il est possible que ma mère ait ressenti comme de l'agacement à me voir imiter Théodore à longueur de journée, mais bon... J'avais bien repéré la mention de la fessée dans la paix chez soi, je n'allais pas en parler à voix haute, tout de même...
RépondreSupprimerConstance
Ayant entendu ta voix dans vos clips, je pense que tu dois savoir très bien réciter. Pour ma part j'avoue de manquer beaucoup de culture française. Peut-être parce que j'ai grandi dans une autre langue, dans un autre pays. Par contre comme toi je suis restée très discrète concernant la fessée devant ma maman. Ce qui est autant plus étrange car pour tout le reste de la sexualité, nous avons toujours eu des discussions très ouvertes.
RépondreSupprimerPensez-vous que pareilles mœurs aient été répandues dans la population de l'époque?
RépondreSupprimer(Je veux dire: était-il à votre avis courant qu'un mari petit bourgeois mécontent fessât son épouse?)
A vrai dire je n'en sais rien. Je ne dispose d'aucun document qui tranche sur cette question de manière claire. Et déjà dans des documents qui datent d'environs 150 ans le style d'écriture ne laisse aucun doute que le sujet soit traite avec beaucoup d'humour. Par contre ne manquent pas de sources sur des dames qui pour une raison ou une autre souhaitent recevoir la fessée !
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