dimanche 3 novembre 2013

424 Discipline domestique française, version 1903


La paix chez soi

C'est le titre d'une pièce de théâtre qui date de 1903, écrite par Georges Courteline. 110 plus tard elle se joue encore et amuse autant les esprits que jadis. Ce qui prouve à mes yeux l’intérêt pour l'indémodable sujet comment apaiser les tendances hostiles dans un couple. Le rapport avec la discipline domestique saute aux yeux et le monsieur dans la pièce ne manque pas de parler de ses expériences de la fessée conjugale. Sans oublier avec beaucoup de perspicacité de penser au retours du bâton que le châtiment se transforme en partie de plaisir. Mais voyons d'abord un peu ce que le monsieur reproche à sa dame :

-...avoir tranché une question sans en connaître le premier mot, puis, convaincue de son erreur, s’y être cramponnée de parti pris avec une insigne mauvaise foi, afin d’avoir raison quand même et d’exaspérer le sieur Trielle, homme modéré, patient et doux

-... avoir, le sieur Trielle ayant exprimé le désir de dîner un quart d’heure plus tôt, fait servir un quart d’heure plus tard et répondu audit Trielle qui se plaignait sans acrimonie : « Si tu n’es pas content, va-t’en dîner ailleurs. »

-... avoir traité le sieur Trielle de crasseux et de sale grigou parce qu’il se refusait à acheter, comme inutile et coûteuse, une lanterne à verres de couleur en imitation de fer forgé.

-...avoir dit au sieur Trielle qui regrettait l’absence d’abatis dans le bouillon : « Tu répètes toujours la même chose », -- ce qui n’ était que trop vrai.

-... lui avoir dit : « Te rappelles-tu la fois où je t’ai pardonné d’être rentré à sept heures du matin ?

Ah qu'elle est longue la liste. Il ne serait pas un peu rancunier sur le bord ce mari ? Il note soigneusement chaque faute de la dame pour lui présenter ensuite les comptes. En recourant à un système particulièrement vicieux pour raisonner madame. Un odieux chantage sur l'argent qu'il lui accorde pour le ménage. Ô tempora ô mores. J'avoue d'être déçue, car la place réservée à la fessée reste minime. En fait je ne connaissais pas la pièce que j'ai découverte au travers d'une appétissante critique datant de 1903. Je cite :

Première représentation de la Paix chez soi, comédie en un acte de M. Georges Gourteline. C'est le simple badinage d'un homme d'esprit. M. Courteline nous donne le moyen d'établir la paix dans notre ménage.

Votre femme est-elle vive, pétulante, agressive, irrespectueuse? Vous lui mettez la tète sous votre bras vous lui retroussez les jupes, et pan, pan, pan, vous lui administrez une fessée.

Comment ? J'ai dit une fessée. « Fessez fessez criait la mère la peau revient toujours. Ainsi chantait Gautier-Garguille. Ainsi prêche M. Courteline. Que si ce premier moyen ne réussit pas à rendre l'épouse douce, aimable, obéissante et polie, vous passerez au système des amendes et ce système là est infaillible toujours selon Courteline. Ainsi, vous comptez tant pour une réplique impertinente, tant pour un acte de rébellion, tant pour une menace anarchiste vous variez le taux à votre gré de 4 fr. 95 (pourquoi 4 fr. 95, ô mon Dieu) à 0 fr. 5o. Et à la fin du mois, le jour de la récapitulation, votre moitié est douce comme un agneau. A l'appui de son dire, l'auteur de la Paix chez soi nous montre un jeune ménage où « la Discorde en fureur frémit de toutes parts ». Le mari essaye, ou plutôt a essayé, devant que les chandelles fussent allumées la correction manuelle. Au lever du rideau il inflige les amendes. Tant pour le mot grigou. Tant pour n'avoir point exécuté la menace. Après un quart d'heure de cette comptabilité, nous touchons au dénouement. La maîtresse de céans reconnaît qu'elle a un seigneur et maître; elle se courbe; elle implore son pardon et les deux artistes, M. Signoret et M"« Sandra Fortier (une débutante assez gentille, pour qu'on lui montre de l'indulgence) tombent dans les bras l'un de l'autre. Ainsi finit la comédie.

Pour finir, comme promis les passages faisant allusion à notre sujet favori :

Les premiers temps de notre mariage, je... te tins des discours dictés par la douceur et par la mansuétude mêmes… Peines perdues. Une fois que j’avais en vain, une heure, procédé par le raisonnement, la patience m’échappa. Je me levai, je te pris par le fond de tes jupes, puis, t’ayant étroitement logée sous mon bras gauche, de ma dextre agitée du geste familier aux lavandières à l’ouvrage, je t’administrai…

...cet acte d’autorité, que je n’accomplis pas en pure perte, t’inspira de saines réflexions. J’en sus quelque temps entretenir les bienfaits à l’aide de nouvelles fessées appliquées avec à-propos...

Malheureusement, vous autres femmes vous vous blasez tout de suite sur les meilleures choses. Je vis venir avec tristesse le moment où les corrections t’allaient devenir indifférentes en attendant qu’elles te devinssent agréables... 

6 commentaires:

  1. Bonjour Isabelle !

    Ah les comédies de vaudeville !! Quelle méli-mélo de situations: infidélité, Qui-proquos et autres burlesque. Courteline et Feydeau deux noms connus pour leur comédies un peu "légères". Une recette qui marche toujours quelque soit l'époque. Je me souviens d'une pièce de théâtre des années 1970/1980 avec le comédien Marco Perrin (complice à la TV des sketches de Henri Salvador). Il jouait dans cette pièce intitulée "Armande" (ou bien "La fessée") un mari trompé qui fessait son épouse devant un balcon hilare (?) de voisins et voisines. Peut-être en avez-vous entendu parler ?
    Bon'journée. Mac-Miche.

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    1. J'ai entendu de cette pièce ou plutôt j'ai lu des articles datant de 1937 qui en parlent. Comme d'habitude je suis trop plongée dans la docu pour me consacrer à la chose même.

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  2. J'aimais bien Courteline quand j'étais petite, et ma mère avait une sorte "d'oeuvres complètes" dans sa bibliothèque. J'avais lu "La paix chez soi" mais ça ne m'avait pas autant fait rire que "Théodore cherche des allumettes", petite pièce courte où un ado rentre beurré comme une tartine chez ses parents et multiplie les gaffes et les maladresses. Il est possible que ma mère ait ressenti comme de l'agacement à me voir imiter Théodore à longueur de journée, mais bon... J'avais bien repéré la mention de la fessée dans la paix chez soi, je n'allais pas en parler à voix haute, tout de même...

    Constance

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  3. Ayant entendu ta voix dans vos clips, je pense que tu dois savoir très bien réciter. Pour ma part j'avoue de manquer beaucoup de culture française. Peut-être parce que j'ai grandi dans une autre langue, dans un autre pays. Par contre comme toi je suis restée très discrète concernant la fessée devant ma maman. Ce qui est autant plus étrange car pour tout le reste de la sexualité, nous avons toujours eu des discussions très ouvertes.

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  4. Pensez-vous que pareilles mœurs aient été répandues dans la population de l'époque?

    (Je veux dire: était-il à votre avis courant qu'un mari petit bourgeois mécontent fessât son épouse?)

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  5. A vrai dire je n'en sais rien. Je ne dispose d'aucun document qui tranche sur cette question de manière claire. Et déjà dans des documents qui datent d'environs 150 ans le style d'écriture ne laisse aucun doute que le sujet soit traite avec beaucoup d'humour. Par contre ne manquent pas de sources sur des dames qui pour une raison ou une autre souhaitent recevoir la fessée !

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