Qu’il
est mignon …ce petit carnet de punition. Je pourrais y noter mes
fessées !
J’aurais dû baisser un peu ma voix
peut-être. Il y a des moments que mon enthousiasme emporte
facilement sur ma discrétion. Mon homme aime bien que l’on se
retourne sur moi. Mais pas dans n’importe quelle circonstance. Un
peu pudique de nature, là, il est légèrement agacé de mon
comportement et visiblement gêné devant les quelques regards amusés
dans ce lieu bien fréquenté le dimanche matin. Puis notre
différence d’âge le fait parfois passer pour une sorte de satyre
qui a une façon particulière de jouer à la poupée.
Tu
es fâché, chéri ?
Il a horreur de cette phrase que
j’emploie souvent quand je fais une gaffe. Et il déteste que je
l’appelle chéri en public. Notons, que nous ne sommes pas à ma
première gaffe de la journée et au moins à ma sixième ou septième
brocante. Pour ne rien acheter ! Cela va de soi. Il arrive que
des nouveaux éléments se glissent dans mon univers de f. Dus à un
hasard de la vie. Comme cette trouvaille. Un petit carnet à feuilles
vierges, conçu à sa base pour tenir un journal intime. Sorte
d’eurêka archimédien qui fournit réponse non pas à une question
mûrement réfléchie, mais à quelque chose qui se cache dans cet
immense grenier qui est mon inconscient.
Tu veux qu’on le prenne, isabelle ?
Je n’aime
pas trop la couleur, chéri !
A ma façon de tourner l’objet entre
mes mains, mon homme sait qu’il faut prendre son mal en patience.
Il
y a des fessées qui se perdent avec toi, isabelle ! T’es
lente et difficile.
J’en déduis, que lui aussi est
troublé par ma trouvaille. Ayant le sens plus pratique que moi, il
prévoit déjà l’utilité de ce petit carnet. Une adaptation
certainement plus rapide que la mienne à une nouvelle donnée.
Mais oui, il est bien connu qu’il
existe des femmes difficiles. Mais peut-être le mot difficile ne
convient pas vraiment. En fait, je sais exactement ce que je veux,
mais je ne trouve que rarement l’objet de mes rêves. Cela n’énerve
prodigieusement et je médite si le compromis me conviendrait quand
même. Faute de mieux. Mon carnet de punition, je l’imagine relié
en cuir. Pas dans un marron vieilli comme celui-ci, mais dans un
rouge flamboyant. Avec un petit dispositif de fermeture. A lacet de
préférence et non pas avec un cadenas. Je n’ai pas de secrets
d’états à confier. Et de toute façon mon homme ne fouille pas
dans mes affaires. A bien y réfléchir aussi, la poésie d’un
journal intime, ne me titille pas vraiment. Je me vois mal confier
mes états d’âme à une feuille. Ce que je note sont
essentiellement les pensées que je ne souhaite pas oublier. Les
miennes, celles des autres. Sur des sujets concrets qui
m’intéressent.
(Alors
que vais-je mettre dans ce carnet ?)
Ma mauvaise conduite qui donne lieu à
une fessée. Les détails de cette fessée ? Mes bonnes
résolutions ? Textes écrits à chaud, veut dire en sortant du
coin avec mes fesses brûlantes. Ou textes écrits avec le recul. Mes
observations sur mon comportement. Ses améliorations.
(Tiens
isabelle, tu ne mets plus, tu ne fais plus, tu ne dis plus etc….)
Étant une personne pleine de petites
habitudes et de manières, le moindre changement se remarque
forcement par mon entourage. Dans mes rapports sociaux je suis assez
prévisible. Cela rassure et donne une impression de grande
stabilité...
Je
te parle, isabelle !
Mince alors, je suis en train de fâcher
mon homme pour du bon.
On
le prend ou pas ?
Qu’il est délicat mon homme. Même
quand une tempête se prépare. Mon avis lui importe beaucoup. Si je
dis non, c’est non pour lui aussi. Sans qu’il m’en veuille pour
autant. Dans ce cas précis je comprends son impatience. En grand
gamin il doit déjà être en train d’évaluer le potentiel ludique
de ce petit carnet. Amusement coquin entre adultes sans que cela
s’ajoute à notre discipline domestique. Pas vraiment convaincue de
l’utilité réelle de ce truc dans notre ménage, c’est la
perspective d’une petite aventure exotique qui me fait trancher sur
la question.
Tu me
l’offres ?
Depuis ce jour le carnet de punition
s'est toujours trouvé bien placé dans mes boudoirs successifs. Mais
presque quinze ans après son achat il est toujours vide. Qu’il
soit fermé avec un cadenas attise la curiosité de mes copines.
Personne ne se doute de sa vraie utilité. Même pas moi au moment de
l’achat. J’ai seulement compris quand Monsieur avait envie de
« décompresser » un peu après cette rude journée avec
moi dans les brocantes en m’invitant de m’installer sur ses
genoux. Effectivement, j'ai su par la peau de mes fesses pourquoi
cela s’appelle un « carnet de punition » et pourquoi on
choisit le cuir comme matière de reliure.
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