mardi 4 juin 2013

347 Fille pas sage


Dis, tu ne voudrais pas me corriger quand je ne suis pas sage ?

Le tout prononcé à petit voix avec un regard au grands yeux. De préférence soutenu par un air candide. Sorte de débrouille-toi maintenant, prend des initiatives, surprend-moi, fais-moi rêver ou plutôt adapte-toi à mes rêves. Voila un fantasme résumé en toute simplicité. En apparence du moins, car le fameux « pas sage » sans précision reste -soyons clairs- très vague. Alors comment le décrypter pour qu'une autre personne puisse mieux le comprendre. Bien évidement je ne saurais parler au nom d'autrui. Je vais essayer alors de donner une interprétation personnelle et simple.

Adolescente, j'étais absorbée par la question de quoi faire de mon besoin de discipline. Non pas que j'avais l'impression de me trimbaler une tare pas possible, mais étant très pragmatique je voyais seulement les différentes possibilités de caser la chose lors d'une soirée galipette avec un chevalier galant. De préférence je m'imaginai avec un monsieur d'un certain âge, car bien souvent - comme on dit en allemand –les désirs de la dame sont des ordres pour lui. En « Œdipine » bien assumée je me sens depuis toujours particulièrement à l'aise en leur présence en me vouant à la recherche des avantages et qualités de mon Papa sans me heurter à un tabou social quand j'avais envie d'aller plus loin. Avec un tel monsieur pas besoin de faire le tour de sujets existentialistes, pas besoin de le rassurer sur quoique ce soit. Et surtout pas besoin de garder honteusement le silence sur mes petites fantaisies. Mais étant plutôt adepte de la fessée névrotique que perverse et l'une considère comme le négatif de l'autre, il en va de soi qu'une telle constellation dédiée à un simple apaisement de pulsions ne me satisfait pas vraiment. Nous sommes même très loin de mes émois les plus intenses.

Déjà détacher l'activité purement punitive d'une activité récréative n'est pas simple à expliquer à pas mal de Messieurs. Et ceux susceptibles de comprendre ont peut-être une vision de la pratique qui n'est pas compatible avec la mienne. Loin de moi de vouloir critiquer, mais les séances interminables ou trop intenses ne me font pas rêver. J'essaye aussi de me mettre à la place d'un monsieur de bonne foi. En comprenant très bien qu'un joli fessier féminin sous ses yeux, de plus déculotté puisse procurer des pensées moins chastes que le maintiens de bonnes manières d'une petite dame. Puis de mon côté il y a aussi cette jolie notion sadique de priver le monsieur du plaisir que mon corps puisse lui procurer par la suite, ainsi que l'agréable défi pour tenter de le mettre hors de son état normal par mon comportement, par ma façon de me montrer honteuse, par mes gestes, mouvements et notamment mon « travail de jambes », cris etc. Enfin, là je m'égare une fois de plus...

Ce qui rend un fantasme de correction attrayant et excitant à mes yeux, c'est un profond lien affectif avec la personne qui me punit. Je reste ainsi dans un registre analogue d'une relation amoureuse de plus classique et qui lie l'activité charnelle à l'amour. Et quand je me fie aux écrits de Théodor Reik, le fameux besoin de punition ne serait rien d'autre qu'un phénomène affectif qu'il faut distinguer de la punition comme acte ancré dans la réalité. Avec cette brillante distinction, il me semble plus simple de comprendre la notion du « pas sage » dans le sens d'une action qui risque de perturber un équilibre affectif entre deux personnes. Ou du moins un événement qui me fait imaginer de perturber cet équilibre. Voila qui jette une lumière nouvelle sur la morale dans un tel fantasme. Loin de la conception du bien ou du mal, interviennent des notions comme « comportement qui me vaut de l'amour » et « comportement qui me fait courir le risque de le perdre ». Et on pourrait considérer le malaise ressentie après un comportement pas sage comme mauvaise conscience ou même comme une sorte de culpabilité. Mais au lieu de passer du temps inutile à ruminer, il serait tellement plus simple de se trouver en face d'un partenaire qui saurait réagir dans une telle situation dans le sens de mes fantasmes. Effacer l'acte « pas sage » d'un coup de baguette magique et rétablir ainsi l'équilibre affectif du couple...

4 commentaires:

  1. C'est intéressant de préciser le sens de "pas sage" en "qui met en danger l'amour" - je crois même que ça nous rapproche de l'enfant qui se définit entièrement par rapport à ses parents.
    Mais pour moi, le "je n'ai pas été sage" signifie en général que je n'ai aucun prétexte valable et je ne m'embête pas à en chercher un...

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    1. "Je n'ai pas été sage" comme expression clef pour passer au ludique en quelque sorte. C'est tout mimi, mais je préfère quand même mon petit stress pour me racheter de ma mauvaise conduite! Enfin chaque couple sa recette maison et le plaisir d'en parler aux autres. Merci Simon!

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  2. Ah comme je reconnais bien là mon type de fantasme primal et comme il est dur de bien l'expliquer à autrui... et quand au "fameux besoin de punition ne serait rien d'autre qu'un phénomène affectif" oui oui oui :)Merci Isabelle !

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    1. Enfin l'idée profonde de ce texte n'est pas de moi. Mais je suis bien contente de ne pas être la seule de m'y retrouver!

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