Dis,
tu ne voudrais pas me corriger quand je ne suis pas sage ?
Le tout prononcé à petit voix avec un
regard au grands yeux. De préférence soutenu par un air candide.
Sorte de débrouille-toi maintenant, prend des initiatives,
surprend-moi, fais-moi rêver ou plutôt adapte-toi à mes rêves.
Voila un fantasme résumé en toute simplicité. En apparence du
moins, car le fameux « pas sage » sans précision reste
-soyons clairs- très vague. Alors comment le décrypter pour qu'une
autre personne puisse mieux le comprendre. Bien évidement je ne
saurais parler au nom d'autrui. Je vais essayer alors de donner une
interprétation personnelle et simple.
Adolescente, j'étais absorbée par la
question de quoi faire de mon besoin de discipline. Non pas que
j'avais l'impression de me trimbaler une tare pas possible, mais
étant très pragmatique je voyais seulement les différentes
possibilités de caser la chose lors d'une soirée galipette avec un
chevalier galant. De préférence je m'imaginai avec un monsieur d'un
certain âge, car bien souvent - comme on dit en allemand –les
désirs de la dame sont des ordres pour lui. En « Œdipine »
bien assumée je me sens depuis toujours particulièrement à l'aise
en leur présence en me vouant à la recherche des avantages et
qualités de mon Papa sans me heurter à un tabou social quand
j'avais envie d'aller plus loin. Avec un tel monsieur pas besoin de
faire le tour de sujets existentialistes, pas besoin de le rassurer
sur quoique ce soit. Et surtout pas besoin de garder honteusement le
silence sur mes petites fantaisies. Mais étant plutôt adepte de la
fessée névrotique que perverse et l'une considère comme le négatif
de l'autre, il en va de soi qu'une telle constellation dédiée à un
simple apaisement de pulsions ne me satisfait pas vraiment. Nous
sommes même très loin de mes émois les plus intenses.
Déjà détacher l'activité purement
punitive d'une activité récréative n'est pas simple à expliquer à
pas mal de Messieurs. Et ceux susceptibles de comprendre ont
peut-être une vision de la pratique qui n'est pas compatible avec la
mienne. Loin de moi de vouloir critiquer, mais les séances
interminables ou trop intenses ne me font pas rêver. J'essaye aussi
de me mettre à la place d'un monsieur de bonne foi. En comprenant
très bien qu'un joli fessier féminin sous ses yeux, de plus
déculotté puisse procurer des pensées moins chastes que le
maintiens de bonnes manières d'une petite dame. Puis de mon côté
il y a aussi cette jolie notion sadique de priver le monsieur du
plaisir que mon corps puisse lui procurer par la suite, ainsi que
l'agréable défi pour tenter de le mettre hors de son état normal
par mon comportement, par ma façon de me montrer honteuse, par mes
gestes, mouvements et notamment mon « travail de jambes »,
cris etc. Enfin, là je m'égare une fois de plus...
Ce qui rend un fantasme de correction
attrayant et excitant à mes yeux, c'est un profond lien affectif
avec la personne qui me punit. Je reste ainsi dans un registre
analogue d'une relation amoureuse de plus classique et qui lie
l'activité charnelle à l'amour. Et quand je me fie aux écrits de
Théodor Reik, le fameux besoin de punition ne serait rien d'autre
qu'un phénomène affectif qu'il faut distinguer de la punition comme
acte ancré dans la réalité. Avec cette brillante distinction, il
me semble plus simple de comprendre la notion du « pas sage »
dans le sens d'une action qui risque de perturber un équilibre
affectif entre deux personnes. Ou du moins un événement qui me fait
imaginer de perturber cet équilibre. Voila qui jette une lumière
nouvelle sur la morale dans un tel fantasme. Loin de la conception du
bien ou du mal, interviennent des notions comme « comportement
qui me vaut de l'amour » et « comportement qui me fait
courir le risque de le perdre ». Et on pourrait considérer le
malaise ressentie après un comportement pas sage comme mauvaise
conscience ou même comme une sorte de culpabilité. Mais au lieu de
passer du temps inutile à ruminer, il serait tellement plus simple
de se trouver en face d'un partenaire qui saurait réagir dans une
telle situation dans le sens de mes fantasmes. Effacer l'acte « pas
sage » d'un coup de baguette magique et rétablir ainsi
l'équilibre affectif du couple...
C'est intéressant de préciser le sens de "pas sage" en "qui met en danger l'amour" - je crois même que ça nous rapproche de l'enfant qui se définit entièrement par rapport à ses parents.
RépondreSupprimerMais pour moi, le "je n'ai pas été sage" signifie en général que je n'ai aucun prétexte valable et je ne m'embête pas à en chercher un...
"Je n'ai pas été sage" comme expression clef pour passer au ludique en quelque sorte. C'est tout mimi, mais je préfère quand même mon petit stress pour me racheter de ma mauvaise conduite! Enfin chaque couple sa recette maison et le plaisir d'en parler aux autres. Merci Simon!
SupprimerAh comme je reconnais bien là mon type de fantasme primal et comme il est dur de bien l'expliquer à autrui... et quand au "fameux besoin de punition ne serait rien d'autre qu'un phénomène affectif" oui oui oui :)Merci Isabelle !
RépondreSupprimerEnfin l'idée profonde de ce texte n'est pas de moi. Mais je suis bien contente de ne pas être la seule de m'y retrouver!
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