D’excellente humeur ce matin (enfin,
c'est plutôt mon état permanent, mais passons), j'ai raconté à
mon homme mon post sur les fantasmes de Robert Desnos et de son
pensionnat du Humming-Bird Garden.
Et t'as oublié
les bas en soie ?
Je suis un peu confuse.
Tu
sais bien que je ne porte que des bas nylon !
Détourne-toi
un peu de ton nombril, isabelle. Je parle de ceux de Louise Lame...
J'ai failli faire le coup de la fiancée
de Superman.
Et
voilà de quoi pour ravir mon homme. J'aurais jamais cru qu'une
petite culotte puisse autant l'émouvoir.
« Je me complaisais à la
contemplation du jeu de son manteau de fourrure contre son cou, des
heurts de la bordure contre les bas de soie, au frottement deviné de
la doublure soyeuse contre les hanches. Brusquement je constatai la
présence d'une bordure blanche autour des mollets. Celle-ci grandit
rapidement, glissa jusqu'à terre, et quand je parvins à cet endroit
je ramassai le pantalon de fine baptiste. Il tenait tout entier dans
la main. Je le dépliai, j'y plongeai la tête avec délices. L'odeur
la plus intime de Louise Lame l'imprégnait. Quelle fabuleuse
baleine, quel prodigieux cachalot distille un ambre plus odorant. Ô
pêcheurs perdus dans les fragments de la banquise et qui vous
laisseriez périr d'émotion à tomber dans les vagues glaciales
quand, le monstre dépecé, la graisse et l'huile et les fanons à
faire des corsets et des parapluies soigneusement recueillis, vous
découvrez dans le ventre béant le cylindre de matière précieuse.
Le pantalon de Louise Lame ! quel univers ! Quand je revins à la
notion des décors, elle avait gagné du terrain. Trébuchant parmi
les gants qui maintenant s'accolaient tous, la tête lourde
d'ivresse, je la poursuivis, guidé par son manteau de léopard.
À la Porte Maillot je relevai la
robe de soie noire dont elle s'était débarrassée. Nue, elle était
nue maintenant sous son manteau de fourrure fauve. Le vent de la nuit
chargé de l'odeur rugueuse des voiles de lin recueillie au large des
côtes, chargé de l'odeur du varech échoué sur les plages et en
partie desséché, chargé de la fumée des locomotives en route vers
Paris, chargé de l'odeur de chaud des rails après le passage des
grands express, chargé du parfum fragile et pénétrant des gazons
humides des pelouses devant les châteaux endormis, chargé de
l'odeur de ciment des églises en construction, le vent lourd de la
nuit devait s'engouffrer sous son manteau et caresser ses hanches et
la face inférieure de ses seins. Le frottement de l'étoffe sur ses
hanches éveillait sans doute en elle des désirs érotiques
cependant qu'elle marchait allée des Acacias vers un but inconnu. »
Source : Robert
Desnos : L'amour ou la liberté
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