mardi 16 octobre 2012

193 Poésie de la petite culotte et des bas en soie


D’excellente humeur ce matin (enfin, c'est plutôt mon état permanent, mais passons), j'ai raconté à mon homme mon post sur les fantasmes de Robert Desnos et de son pensionnat du Humming-Bird Garden.

Et t'as oublié les bas en soie ?

Je suis un peu confuse.

Tu sais bien que je ne porte que des bas nylon !

Détourne-toi un peu de ton nombril, isabelle. Je parle de ceux de Louise Lame...

J'ai failli faire le coup de la fiancée de Superman.

Et voilà de quoi pour ravir mon homme. J'aurais jamais cru qu'une petite culotte puisse autant l'émouvoir.

« Je me complaisais à la contemplation du jeu de son manteau de fourrure contre son cou, des heurts de la bordure contre les bas de soie, au frottement deviné de la doublure soyeuse contre les hanches. Brusquement je constatai la présence d'une bordure blanche autour des mollets. Celle-ci grandit rapidement, glissa jusqu'à terre, et quand je parvins à cet endroit je ramassai le pantalon de fine baptiste. Il tenait tout entier dans la main. Je le dépliai, j'y plongeai la tête avec délices. L'odeur la plus intime de Louise Lame l'imprégnait. Quelle fabuleuse baleine, quel prodigieux cachalot distille un ambre plus odorant. Ô pêcheurs perdus dans les fragments de la banquise et qui vous laisseriez périr d'émotion à tomber dans les vagues glaciales quand, le monstre dépecé, la graisse et l'huile et les fanons à faire des corsets et des parapluies soigneusement recueillis, vous découvrez dans le ventre béant le cylindre de matière précieuse. Le pantalon de Louise Lame ! quel univers ! Quand je revins à la notion des décors, elle avait gagné du terrain. Trébuchant parmi les gants qui maintenant s'accolaient tous, la tête lourde d'ivresse, je la poursuivis, guidé par son manteau de léopard.

À la Porte Maillot je relevai la robe de soie noire dont elle s'était débarrassée. Nue, elle était nue maintenant sous son manteau de fourrure fauve. Le vent de la nuit chargé de l'odeur rugueuse des voiles de lin recueillie au large des côtes, chargé de l'odeur du varech échoué sur les plages et en partie desséché, chargé de la fumée des locomotives en route vers Paris, chargé de l'odeur de chaud des rails après le passage des grands express, chargé du parfum fragile et pénétrant des gazons humides des pelouses devant les châteaux endormis, chargé de l'odeur de ciment des églises en construction, le vent lourd de la nuit devait s'engouffrer sous son manteau et caresser ses hanches et la face inférieure de ses seins. Le frottement de l'étoffe sur ses hanches éveillait sans doute en elle des désirs érotiques cependant qu'elle marchait allée des Acacias vers un but inconnu. »

Source : Robert Desnos : L'amour ou la liberté



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