dimanche 20 avril 2014

502 Les hauts talons ou l'ingratitude féminine 1

Un souvenir brûlant du tout début de mon couple.

J’ai l’habitude de me lancer dans une aventure en partant du principe que l’on apprend le mieux « en agissant » qu’en réfléchissant. « L’autre » avec un grand A ne s’aborde pas au travers de la pensée, mais seulement par l’échange interhumain. Mon aventure la plus importante, fondée sur ce principe, est mon couple. Pourtant je ne me suis pas doutée que j’allais rester avec lui quand il m’a invitée pour notre premier week-end à deux. Et puis le lundi, j’ai reçu ma première fessée disciplinaire par monsieur mon nouveau compagnon qui m’a ainsi montré clairement par ce geste comment il concevait notre future vie commune. Ce jour-là, il avait décidé de m’offrir une magnifique paire d’escarpins à très hauts talons. J’ai toujours aimé porter des escarpins me contentant d’une hauteur de 7. Ce n’est pas le fait de passer au 10 ou 12 qui m’a mise de mauvaise humeur, mais un petit truc bête bien connu des filles :

Accepter un cadeau au début d’une relation et par-dessus du marché un vêtement.

Il y a beaucoup de filles qui n’arrivent jamais à passer ce cap. Malgré des longues années de vie commune. La raison concerne le fait de « se faire acheter », la « peur d’être redevable », « passer pour une femme vénale » ou encore de « perdre son autonomie » . Quoiqu’il en soit la question du « pourquoi », cette pire de toutes les questions pourrit un instant magique. Au lieu de se mettre pour une seconde à la place du monsieur, l’égoïsme féminin s’emporte pour introduire avec force le nombrilisme dans la relation naissante. C’est en fait à mes yeux le premier rapport de force, le premier jeu de pouvoir. Avec le recul je dirais que ce comportement est horriblement malsain. Le monsieur n’est pas forcement de mauvaise fois. D’accord, je ne nie pas qu’il essaye de se faire plaisir à lui sous prétexte de me faire plaisir à moi.

Mais qu’y a-t-il de mal là-dedans ?

A bien y réfléchir :

Rien ! Pourquoi alors le fait que monsieur me désire (sexuellement) attirante au travers d’un vêtement m’irrite autant ?

Nous arrivons donc à une deuxième catégorie du « pourquoi », la notion de ne pas « suffire » ou de « plaire » telle que l’on est. De manquer quelque chose pour combler monsieur. L’idée que l’autre veuille nous apposer sa griffe, marquer son territoire, nous transformer à sa guise ou de devenir une appartenance…

Penchons nous pendant un instant sur la signification analytique du cadeau. Rare sont les petites filles qui n’expriment pas à un instant ou autre leur désir de se marier avec leur papa une fois devenues adultes. Il y a donc une notion très égoïste qui ne laisse plus de place pour leur propre maman. Être maman à la place de maman. Et maintenant la signification du cadeau devient compréhensible : avoir un enfant de son papa. Il est évident que ce rêve de petite fille rencontre une cruelle déception : le papa ne tient pas à lâcher maman et nous relègue à la deuxième place. Si la constellation œdipienne se passe bien, la petite fille observe attentivement sa maman et la copie pour apprendre comment faire pour trouver pour sa part « un papa ».

Mais l’inconscient enregistre le premier rejet amoureux, cette grande blessure narcissique et surtout le fait de ne pas avoir reçu son cadeau. Il se forme donc l’idée inconsciente que les hommes sont des menteurs que les hommes jouent avec les femmes que les hommes sont des briseurs de cœur etc.

Appliquons cela sur les hauts talons. Il y a une dimension de plus qui s’ajoute : quand la petite fille découvre la différence physique entre les sexes, il y a au premier abord une sensation de manque (ou un avoir trop chez les garçons). Dans l’imagination de bien de petites filles ce manque s’arrangerait avec la croissance ou encore que ce soit le papa qui offre ce qui manque en cadeau. Pour bien cerner ce qui se passe à ce moment dans notre petite tête de filles, il faut abandonner notre raisonnement d’adulte et essayer de retrouver notre âme d’enfant.

Bref certaines femmes adultes considèrent les hauts talons inconsciemment comme un faute de mieux ou pire encore comme un rappel à un vécu douloureux. Dans le meilleur des cas, on retient un lot de consolation. Bien entendu je n’oblige personne à accepter ces explications qui peuvent paraître fantaisistes ou tirées par les cheveux. Mais le malaise d’accepter un cadeau de la part d’un monsieur chez beaucoup de filles est un fait et s’accompagne souvent d’irritabilité.

Ce qui part d’une bonne intention - faire plaisir- se transforme en scène de ménage.

15 commentaires:

  1. Bojour Isabelle !

    Voilà une petite leçon de "séduction" qui nous sera toujours profitable. "C'est en forgeant qu'on devient forgeron " disait mon grand-père. Votre texte m'a fait penser aux deux fêtes du calendrier où l'on met nos deux parents à l'honneur -Fêtes des Mères /des Pères- et que nous célébrons à chaque niveau de notre vie.
    L'offrande d'un cadeau, quel qu'il soit, reste la marque de respect, de reconnaissance, on fait attention à la personne qui le reçoit. On a repéré ses goûts, ses préférences pour telle ou telle chose. On veut se "faire aimer d'elle" en retour. Ce n'est jamais desinteressé, me direz-vous.
    La séduction est un jeu subtil , qui ne répond pas toujours à des critères cartésiens d'ordre esthétique, philosophiques ou physiques. C'est la chimie des sentiments qui opère. Chercher à comprendre ne répondrait qu'à une infime partie de la question.
    Dans chacun/e d'entre nous sommeille l'enfant que n'avons été et qui a grandi. Moment béni dans la vie avant la houle de notre vie d'adulte. C'est la période pendant laquelle "on aime jouer aux grandes personnes" alors on imite les habitudes des deux parents . Nous y avons tous joué à un moment ou à un autre. Petit, on se construit en observant les adultes qui sont alors la seule référence pour nous. Une référence en positif ou aussi en négatif.
    Un peu comme le "coup de foudre" entre deux personnes: c'est à ce moment précis dans leur existence respective et pas autrement. Et pourquoi ? C'est toute la "magie" du moment...
    "Dans l'Armée, chercher à comprendre, c'est désobéir " me dit quelque fois mon vieux père.Alors...
    Sur ces mots, bonnes Fêtes de Pâques à tous ! Mac-Miche

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    1. Il est un peu tard pour vous souhaiter également de joyeuses fêtes cher Monsieur Mac-Miche, alors j'espère tout simplement que vous avez passé un bon moment. En cherchant des œufs peut-être comme ma petite.
      Savoir choisir un cadeau n'est pas une affaire aisée et je me souviens par exemple de l'expression du visage de mon homme qui a eu en réponse à mes hauts talons... un belle cravate. Mais il l'a mise, souvent et il a pris goût à ma façon de lui faire des cadeaux, comme j'ai pris goût aux siens. Au moins avec ma réponse les choses étaient très claires. C'est peut-être cela aussi l'amour, d'être précis dans sa façon de communiquer. De mettre sur la table ce que l'on désire vraiment. Disons que je préfère franchement une offrande de cadeau au lieu de me considère comme une offrande ou me demande de me comporter en offrande. J'aurais l'impression d'une dépersonnalisation, de me voir transformer en objet.

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  2. Bonjour Isabelle,
    Il m'est arrivé un jour de vivre un sentiment un peu identique lorsque mon amoureux d'alors m'a offert des bas et un porte-jarretelles. Rien de bien fabuleux, l'ensemble acheté au premier supermarché venu n'avait rien, ni de joli, ni de chic. Il n'avait d'ailleurs même pas pris la peine de les emballer dans un paquet cadeau. Le seul désir d'assouvissement de son fantasme était parfaitement clair.
    Sur le coup, j'ai réellement eu envie de pleurer. Ne me trouvait-il pas assez féminine? N'étais-je pas à la hauteur de ce qu'il attendait? Et puis j'ai essayé l'ensemble... et j'ai adoré cette sensation que peut nous procurer le port de bas! Je n'ai donc jamais rien dit.
    Mais cet homme ne m'a jamais rien offert d'autre en dehors d'une paire de bas. Jamais une attention personnelle, ne serait-ce qu'un petit bouquet de fleur. Alors oui, malgré tout, je pense qu'il faut faire un peu attention à ces "cadeaux" qui comblent les fantasmes de nos hommes et que, même s'il ne faut aucunement s'en offusquer à priori, ils ne doivent pas nous leurrer sur la sincérité de la relation dès lors que ce ne sont que les seules attentions qui nous sont faites. :-)

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    1. Si j'ose dire, à mon goût le monsieur que tu décris, me semble un peu … étrange et je pèse mes mots. Et j'aurais certainement très mal vécue une telle expérience. Notamment que j'aie tendance à exploser facilement et remettre les choses en place. J'ai eu certaines déceptions amoureuses... intenses, mais pas de cette manière. Je te trouve fort courageuse d'avoir essayé l'ensemble et heureusement tu as su retenir les bons aspects.
      « L'histoire de mes hauts talons » était joliment présentée et je me suis vue en quelque sorte « élue » pour recevoir un cadeau exceptionnel. Mais tout de même, accepter un cadeau en début de relation me semble toujours délicat.

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    2. Là ce n'était pas vraiment un cadeau... j'entends en tant qu'attention envers l'autre. Si tu avais manifesté l'envie de posséder ces escarpins et qu'il te les ait offerts, alors oui cela aurait été une merveilleuse preuve d'attention (mais peut-être effectivement un peu trop précipitée dans la mesure où cela aurait pu sembler vouloir mettre un peu de pression sur tes propres sentiments). Mais ici, à ce que j'en perçois, il avait juste envie de te façonner un peu à l'image de son fantasme, et tant que cela convergeait avec tes propres goûts, il n'y avait finalement rien à en penser si ce n'est que vous correspondiez plutôt bien l'un avec l'autre.
      Mais heureusement, il y a avait bien plus profond que cela entre vous deux, et de cette rencontre est née une merveilleuse histoire d'amour. Et je suis sûre que vous avez partagé depuis plein d'attentions sans équivoques, comme une fleur cueillie dans le jardin, une framboise ramenée précieusement d'une promenade, tous ces petits riens qui n'ont aucune valeur que celle de prouver, au fil du temps, combien on pense à l'autre.  :-)

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    3. Bonjour Isabelle , bonjour Amandine !


      Bien que je sois un homme, je n'excuse en rien le comportement de mes congéres qui , dans ce malheureux cas précis, frise la grossièreté. J'avais raison en disant qu'il faut être attentif aux souhaits suggérés, à un soupir devant tel ou tel objet, parfum et autre délicatesse en vitrine... Il faut même parfois anticiper le désir, que l'on peut deviner au détour d'une conversation. Et le cadeau n'en sera que mieux apprécié.
      Perso, c'est ce que je fait avec famille et amis , j'essaie d'anticiper leur goûts prononcés tout en essayant de rester varié. Difficile exercice malgré tout.
      Personnellement, votre réaction vous honore, Amandine, Vous avez fait "bonne figure" malgré, si vous le permettez, le comportement quelque peu "outrancier" de votre petit ami. Les sentiments exigent un minimum de tact malgré l'empressement.
      Non ?
      Ma grand-mère maternelle disait que "les gens sont parfois comme les doigts d'une main, ils se suivent mais ne se ressemblent pas".La sagesse des Anciens est toujours d'actualité.
      Sur ces mots, bonne après-midi. Mac-Miche

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    4. Bonjour Monsieur Mac-Miche

      Pour ma part je n'ai aucun talent pour faire des cadeaux . Comme dit mon homme, je ferais mieux de moins regarder mon nombril. Alors je me tourne vers lui et le plus souvent il a le bon conseil. Quant à moi, depuis le temps je lance simplement un : Tu me l'offre. Étant vraiment raisonnable dans mes goûts cela marche à tous les coups...

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    5. Moi, mon arrière cousine par alliance, elle me disait toujours "les cadeaux, ça ne se refuse pas, même si on ne les aime pas".
      Mais mon voisin au troisième degré dit que c'est un peu con.
      Du coup...


      Constance

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  3. Après avoir lu les intéressantes réflexions de ton commentaire, j'ai réfléchi pendant un long moment quel autre cadeau j'aurais accepté à ce stade de la relation. Et à part les chaussures à hauts talons je ne vois pas beaucoup d'alternatives. Je pense qu'avec le recul il a bien cerné mon fantasme, non pas au niveau sexuel, mais celui qui « exalte » ma personnalité. Cette envie depuis toute petite d'être plus grande physiquement et de ne pas oser de dépasser une certaine hauteur de talon. J'ai du concevoir sa proposition inconsciemment comme un cadeau qui nous met à la même hauteur. Ce qui n’empêche pas qu'il a voulu se faire plaisir aussi, me façonner en quelque sorte comme tu dis. Et ceci dès le début. Manière de procéder que je trouve fort rassurante, car à ce niveau-là je suis exactement pareille. Moi aussi j'ai tendance à façonner l'homme de ma vie dès le début. En imposant, il n'y a pas d'autre mot, dans la deuxième partie de ce récit avec beaucoup de ténacité d'abord un cadeau pour le couple et qui nous sert toujours.
    Quant aux fleurs (rares, de la montage et cueilli main) j'avais déjà droit avant les chaussures. Ce sont de petits cadeaux très personnels que j'adore et dont je parle rarement par pudeur et discrétion. Là, bien entendu, pas de métaphysique de les accepter. J'ai fait un récit sur ces chaussures, car il s'agissait d'un cadeau acheté. Enfin, je suis parfois très complexe et compliquée...

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  4. Bon, après la blague stupide ci-dessus postée après une journée où j'étais bien fatiguée, je reviens sur la question du cadeau. Enfin, quand je dis blague stupide, j'ai déjà entendu cette phrase "on ne refuse pas les cadeaux même quand on ne les aime pas", et elle me dérange toujours un peu. Il est probable qu'à la place d'Amandine, j'aurais eu la même réaction: je ne dis rien parce que je suis (trop?) gentille, mais sa façon de me voir ne me plaît pas.
    Je n'ai jamais été confrontée au problème. Par contre, bien sûr il faudra lui demander son avis, mais j'ai risqué sans le savoir de mettre Simon dans cette situation de malaise. Je précise bien sans le savoir, parce qu'au début de notre relation, mes réflexes de mère poule se sont manifestés très rapidement, et pour moi, c'est quasiment naturel: j'aime, donc je poupougne.
    Il y a sans nul doute une part d'égoïsme quand j'influence la manière de s'habiller de Simon, et j'ajouterais aussi, chez moi, une manière de "marquer mon territoire" (plus ou moins assumée parce que je culpabilise quand même un peu). Quand l'un de nos proches le complimente sur sa chemise/ veste/ pantalon et j'en passe, je ne peux que rarement m'empêcher de préciser "c'est MOA qui lui ais offert". Une manière pas très subtile de préciser "ah oui il est beau mais pas de bol il est avec moi!". Heureusement que nos copains ont l'habitude...

    Constance

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  5. Rassure-toi Constance, la culpabilité de « marquer son territoire » part avec le temps. Je pense qu'en ce domaine aussi existe un politiquement correct. De ne pas vouloir « étouffer » son partenaire, de ne pas vouloir le façonner, de lui laisser son jardin privé (pour les libertins assumés) etc. Je trouve tout cela très bien et louable, mais bon, ne faisant pas partie de ces esprit aussi élevés, j'ai préféré renoncer aux aspirations qui me dépassent. Alors je me perd dans des sentiments aussi basses que le bonheur dans le couple traditionnel, le plaisir de la différence et j'en passe. Il existe bel et bien chez nous: La belle cravate que MOI j'ai offerte à mon homme. La belle paire de pantoufles que MOI j'ai choisi pour mon homme. La belle chemise que... alors là c'est non de sa part. Il ne se laisse pas faire. Alors j'en déduis que lui aime choisir « le cadre », la discrète teinte du fond et moi je fais de la déco dans ce cadre donné. En gros notre fonctionnement de couple et cela nous convient bien. Et notre entourage comme le votre a l'habitude. Et bien évidement mon homme est à moi et étant certainement très peu subtile je sors vite mes griffes. Quant à mon chéri, cela lui convient bien. Le tout pour dire que je pense que ta façon d'être, telle que tu es, semble combler Simon. Peut-être te poses-tu encore trop de questions...

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  6. Quand j'étais petit, on me disait qu'on ne jetait pas les cadeaux. Résultat, ma maman gardait un certain nombre de bibelots moches, vaisselle et vêtements inutilisés car inappropriés.

    J'apprends que, de nos jours, les gens n'hésitent pas à les revendre sur eBay le lendemain de Noël. Tout se perd.

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    1. Étant très attachée à certaines traditions, il ne me viendrais pas à l'idée de vendre mes cadeaux. Ceci dit il est coutume en Allemagne depuis longtemps d'offrir un tout petit truc, puis de l'agent, hein oui, pour choisir soi-même son cadeau.

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  7. Je reconnais ce récit que j'avais lu la toute première fois que j'avais rencontré tes écrits, il y a bien 4 ans... J'ai un gros gros faible pour lui ! Je me demande ce que je vais lui offrir comme cadeau ? :D
    Les cadeaux j'aime. Mais si je suis en début de relation et qu'on m'en offre un gros ça me fait fuir. Et puis j'adore les ptits cadeaux, c'est craquant ;D

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    1. Pas mieux que toi, Ellie. En début de relation un tout petit truc faisait l'affaire pour moi aussi. D'où ma métaphysique pour ces sandales. Enfin ce récit reste un auquel je suis le plus attachée...d'où la réédition.

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