Pas
de « poésie de la cruche » sans...
Extrait de: Three
girls about town; 1941
Comme beaucoup de productions de cette
époque, la thématique profonde semble tourner autour de la « dame
cruche » qui - à force d'agacer tout le monde - s'en prend une
dans un sens littéraire ou transposé. Sujet avec une longue
tradition et qui a subi au fil du temps et selon les cultures des
modifications importants. Par exemple, même si le châtiment reste
identique à l'univers ségurien, veut dire une bonne raclé sur le
derrière, il vaut mieux être cruche chez les américains que chez
la divine comtesse. Car chez cette dernière la sottise va de paire
avec la laideur comme ultime menace et il faut un sacré travail sur
soi, la fameuse phase de la fille modèle pour devenir sage et...
belle. Voila le vrai trouble de cet univers et dont on ne parle
jamais et qui reflète pour moi très fidèlement les aspirations
esthétiques de bien de petites filles. Et grâce à la punition, de
préférence avec la baguette magique (sous forme du fameux fouet)
même une fille cruche peut prétendre... à la beauté. Nous sommes
donc chez la comtesse encore plus loin de la réalité que dans le
cinéma américain que l'on traite de puritain par dessus du marché.
Pourtant le puritanisme dans le sens calviniste se berce - si j'ai
bien compris ce mode de pensée - dans la suffisance que tout
événement positif de la vie repose sur le mérite. En gros du
« rostopchinisme » pur.
Sur un niveau moins philosophique, j'ai
une profonde sympathie pour les dites « cruches »,
notamment (sans faire du masochisme social en me dénigrant) parce
que je me sens faisant partie de ces dames selon ma propre définition
du terme : Un manque flagrant d'expérience de la vie et aussi
une mauvais fois quand il s'agit d'appendre les choses pratiques.
Enfin hors papoter et écrire, je sais (très bien) cuisiner, faire
le ménage et aussi repasser. Selon mes maigres expériences trois
qualités essentiellement masculins de nos jours. De plus étant
cruche n'est pas sans avantage. Selon les films de l'époque elle est
la cible de la convoitise du prince charmant. Peut-être pour bercer
le monsieur dans une illusion d'un monde qui tourne selon des clichés
anciens, loin du féminisme en plein essor et par ce fait ressenti
comme rassurant. Loin des horreurs de la 2ème guerre mondiale qui
marque les esprits par la terrible menace pour la vie de tant de
jeunes hommes et source même de tant de bonheur familial détruit.
Alors quoi de mieux qu'une distraction sans prise de tête.
Mais,
bonne question, un dame, telle que le cinéma en fait éloge,
est-elle réellement cruche ?
J’ai mis longtemps pour me rendre
compte à quel point certains productions cinématographiques vont
loin dans leur non-dit. Par non-dit j’entends celui dont
parle Claude Olievenstein, comme une vaste région de notre
psychisme qui contient nos censures volontaires en matière de désir.
Bien différent du refoulement freudien, le non-dit n’échappe pas
à notre conscient. Seulement son contenu se relève gênant à
dévoiler quand il contredit les mœurs en vigueur. Et quand je lis
certains textes sur la résistance en analyse je me pose souvent la
question dans qu’elle mesure le non-dit y intervient. Plus ludique
et plus distrayant que l'analyse, le cinéma me parait un moyen par
excellence pour aborder les non-dits.
Dans cet extrait les choses se
passent entre sœurs sur l’écran. Ce qui légitime l'emploi d'un
châtiment corporel entre adultes, sinon strictement interdit par les
conventions sociales et … par la lois. Il est donc permis de
rigoler de bon cœur sans la moindre mauvaise conscience. Et c'est le
défoulement total. Tout le monde s'y met et participe à cette
fessée libératrice. Situation amusante du début à la fin pour le
Monsieur convoité. Les dames se querellent sans retenue devant lui.
Éternelle variation autour de la jalousie et de la rivalité
féminine. Des « magnifiques pantins » en quelque sorte
qui lui offrent de la distraction. N’étant pas exempte de leurs
défauts je m’abstiens de critiquer. Rationnellement je n’aime
pas découvrir un tel comportement sur moi. Mais malheureusement le
quotidien me dépasse souvent. Alors nous avons inclus des tels
dérapages en public ou devant une tierce personne dans notre mode de
discipline domestique. Un petit regard de Monsieur et je sais que je
suis allée trop loin. En fait - le fameux non-dit donc – je me
sens perdre les pédales et il me semble que j'éprouve le besoin de
tester les limites... de la vigilance de mon homme. Son attention,
est-elle rivée sur moi ? Va-t-il réagir ou dois-je en rajouter
encore plus ? Lever ma voix ? Devenir encore plus
théâtrale ? Je me reconnais bien en petite dame pénible et je
sais que beaucoup d'hommes ne supporteraient pas de telles caprices.
Non pas dans le sens de vouloir punir la dame pour son comportement,
mais de ne pas s'engager dans une relation avec une dame qui se
comporte ainsi. Enfin si on se base sur un non-dit, il me paraît
coulant de source que la dame affiche des tels comportements
seulement si elle se sent en sécurité affective avec un homme, lui
montrant ainsi son vrai moi. Et comment faire pour dénicher un tel
bijoux de l’espèce masculine. Hein bien - encore un non-dit - en
testant la comptabilité... fantasmatique. Car l'attirance pour la
« dame cruche » me semble un non-dit masculin de la façon
qu'elle rassure certaines formes de virilité fragilisées et qui
« fonctionnent au mieux » en imaginant une supériorité
intellectuelle dans certains contextes. En gros, un mariage de
raison, basé sur un double non-dit et à mes yeux fait pour durer
longtemps...