jeudi 2 juillet 2015

732 Mémoires d'une éducation sévère 20


10.2 Les oiseaux bleus


Il y avait une malheureuse candidate, très gracieuse, qui se fit éliminer dès le début, car elle avait sur le chemin salie le talon de ses cuissardes sans se rendre compte. Lucie par contre, habituée aux exigences de Nadège, n’eut pas négligée en entrant dans salle de jeter un regard critique dans un des miroirs pour s’assurer de mettre toutes les chances de son côté. Avant d’être congédiée, la fille fut sanctionnée par 6 coups de cravache pour manque de respect envers un uniforme prestigieux. L’instructrice lui dénuda le derrière et lui fit adopter la même posture que Lucie avait apprise avec Nadège au fil de la semaine. Elle reçut son châtiment en exposant les rondeurs bombées de son séant aux recrues restantes qui manifestèrent leur accord avec la présidente par de timides rires de ravissement, trop contentes que le nombre de concurrentes se rétrécissait. La tutrice s’empara de la fille par l’oreille en lui promettant un deuxième spectacle privé en arrivant à la maison.

Lucie ne tenta pas d’imaginer la réaction de Nadège en cas d’échec. Alors elle restait concentrée pour les épreuves à venir. Mais elle se sentit fort émue d’avoir assisté à une première fessée en public et il lui tarda déjà les suivantes. En quelque sorte l’ambiance chez les « oiseaux bleus » l’inspirait et lui provoqua sa première « sueur » de l’entrejambe bien consciente. Il en sembla de même pour ses concurrentes qui se trahirent par l’aigu de leurs ricanements et la cadence de leurs respirations. Lucie comprit mieux l'utilité de l’épaisse doublure en coton renforçant le bas du maillot.

Les présentations faites, il fallait passer à la pratique, d’abord en individuel. Lucie, fort de son expérience en gym tonique au réveil, plus les exercices supplémentaires d’une laborieuse semaine, se montra dans une excellente condition physique qui lui valut un petit compliment du jury. Elle fut la seule à ne commettre qu’un seul lapsus, mais impressionna le jury par la manière dont elle assuma aussitôt les conséquences par un reflex acquis chez Nadège, en adoptant une posture irréprochable de punition. Elle ne se rendit même pas compte à quel point elle avait fait sien ce geste qui ne lui demandait aucune réflexion.Ce petit plus lui valut l’approbation de son sérieux par la présidente et le mépris ouvert des autres concurrentes qui n’apprécièrent guère ce genre de fayotage.

C'est Lucie qui fut la plus choquée réalisant à quel point l’éducation de Nadège laissait de traces visibles et à quel point il serait difficile de les cacher par la suite devant ses amies. Camille lui avait annoncé par courrier son retour pour dans trois jours. Tout devenait urgent.

Quand l’heure des épreuves en groupe sonna, ils n’en restèrent que quatre filles dont notre héroïne. Elles eurent observé de multiples départs, précédés par de cuisantes fessées pour mauvaise impression et imposture devant le jury. Pour corser la rivalité, la présidente annonça que seul deux nouvelles seraient recrutées au lieu de trois.

L’étape finale se prolongea par la diversité des exercices. L’instructrice fit parader les filles sur de chorégraphies complexes qui ne permirent pas la moindre inattention. Il fallait lever ses jambes bien haut, encore et encore. L’art de la majorette devrait rester le privilège d’une élite. Les filles transpirèrent à grosses goûtes dans leurs uniformes et l’odeur de leur sueur saine, mélangée à celle causée par l’angoisse de se voir éliminée se remarqua de loin.

Lucie se tint avec bravoure, mais n’avait pas compté sur la malhonnêteté de son adversaire la plus farouche, une fille à dents particulièrement longues. Celle-ci, sous prétexte d’un faux pas, envoya un redoutable coup de pied dans la cheville de Lucie qui tomba par terre en poussant un grand cri de douleur.

A cet instant Lucie crut apprendre une évidence de la vie. Le but justifie les moyens. Elle se leva aussitôt, mais fut contrainte de sortir du rang et endurer un châtiment exemplaire pour interruption du spectacle. L’institutrice se servait avec grande habilité de la cravache dont Lucie dut compter les coups à haute voix avant d’être envoyée sous la douche, en passant le long corridor bordé des spectateurs au milieu de la salle.

Elle pleurait à haute voix de douleur et d’injustice dont témoignait son derrière, abrité uniquement par le mince fil du maillot string. Elle saisissait mieux l'intérêt de cette découpe si singulière et se sentit profondément rabaissée non pas à cause de sa punition publique, mais à cause de son élimination aux préliminaires. Elle réalisa avec quel plaisir elle eût aimé adhérer à cette troupe. Il s’agissait moins de son envie de se distinguer pour ses mérites devant Nadège et l’assemblé dans la salle que de la satisfaction retenue par une forme de loisir qui lui convenait. Elle s’était toujours considérée comme une individualiste invétérée. Là, elle avait découvert l'allégresse de se confondre dans un groupe et de rallier sa force à celle des autres. Il n’en restait que ses larmes.

Quelle fut sa surprise quand – après sa douche et habillée de nouveau – elle s’apprêta à rejoindre Nadège dans la salle pour rentrer à la maison.Devant ses yeux ébahis ses anciennes rivales furent déshabillées de leur uniforme pour comportement inadmissible et reçurent de magistrales corrections pour mauvaise fois et manquement grave à la camaraderie. Leurs uniformes confisqués, elles durent rentrer à la maison en exposant leur déshonneur par la nudité publique.

Lucie par contre eut droit à un quart d’heure de gloire. Sous les applaudissements de l’assemble pour sa réussite au concours d’admission, elle se vit conférée les galons des « oiseaux bleus » sous forme d’épaulettes à rajouter à sa tenue. Ses nouvelles camarades l’accueillirent d’une manière chaleureuse qui fit du bien à Lucie.Faisant partie désormais de cette société très hermétique, on lui expliqua les mœurs en vigueur chez les « oiseaux bleus » qui la ravirent au plus haut dégrée.

Quoi dire d’autres de cette journée mémorable ?

Ah oui ! Elle apporta la preuve qu’il fût possible de contourner les réglés de Nadège. Ce drôle d’oiseau qu’était Lucie put sauver inespérément une partie de ses plumes de sa pilosité intime. Comment et pourquoi ? Ceci est une autre histoire.

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