10.2 Les oiseaux bleus
Il y avait une malheureuse candidate,
très gracieuse, qui se fit éliminer dès le début, car elle avait
sur le chemin salie le talon de ses cuissardes sans se rendre compte.
Lucie par contre, habituée aux exigences de Nadège, n’eut pas
négligée en entrant dans salle de jeter un regard critique dans un
des miroirs pour s’assurer de mettre toutes les chances de son
côté. Avant d’être congédiée, la fille fut sanctionnée par 6
coups de cravache pour manque de respect envers un uniforme
prestigieux. L’instructrice lui dénuda le derrière et lui fit
adopter la même posture que Lucie avait apprise avec Nadège au fil
de la semaine. Elle reçut son châtiment en exposant les rondeurs
bombées de son séant aux recrues restantes qui manifestèrent leur
accord avec la présidente par de timides rires de ravissement, trop
contentes que le nombre de concurrentes se rétrécissait. La tutrice
s’empara de la fille par l’oreille en lui promettant un deuxième
spectacle privé en arrivant à la maison.
Lucie ne tenta pas d’imaginer la
réaction de Nadège en cas d’échec. Alors elle restait concentrée
pour les épreuves à venir. Mais elle se sentit fort émue d’avoir
assisté à une première fessée en public et il lui tarda déjà
les suivantes. En quelque sorte l’ambiance chez les « oiseaux
bleus » l’inspirait et lui provoqua sa première « sueur »
de l’entrejambe bien consciente. Il en sembla de même pour ses
concurrentes qui se trahirent par l’aigu de leurs ricanements et la
cadence de leurs respirations. Lucie comprit mieux l'utilité de
l’épaisse doublure en coton renforçant le bas du maillot.
Les présentations faites, il fallait
passer à la pratique, d’abord en individuel. Lucie, fort de son
expérience en gym tonique au réveil, plus les exercices
supplémentaires d’une laborieuse semaine, se montra dans une
excellente condition physique qui lui valut un petit compliment du
jury. Elle fut la seule à ne commettre qu’un seul lapsus, mais
impressionna le jury par la manière dont elle assuma aussitôt les
conséquences par un reflex acquis chez Nadège, en adoptant une
posture irréprochable de punition. Elle ne se rendit même pas
compte à quel point elle avait fait sien ce geste qui ne lui
demandait aucune réflexion.Ce petit plus lui valut l’approbation
de son sérieux par la présidente et le mépris ouvert des autres
concurrentes qui n’apprécièrent guère ce genre de fayotage.
C'est Lucie qui fut la plus choquée
réalisant à quel point l’éducation de Nadège laissait de traces
visibles et à quel point il serait difficile de les cacher par la
suite devant ses amies. Camille lui avait annoncé par courrier son
retour pour dans trois jours. Tout devenait urgent.
Quand l’heure des épreuves en groupe
sonna, ils n’en restèrent que quatre filles dont notre héroïne.
Elles eurent observé de multiples départs, précédés par de
cuisantes fessées pour mauvaise impression et imposture devant le
jury. Pour corser la rivalité, la présidente annonça que seul deux
nouvelles seraient recrutées au lieu de trois.
L’étape finale se prolongea par la
diversité des exercices. L’instructrice fit parader les filles sur
de chorégraphies complexes qui ne permirent pas la moindre
inattention. Il fallait lever ses jambes bien haut, encore et encore.
L’art de la majorette devrait rester le privilège d’une élite.
Les filles transpirèrent à grosses goûtes dans leurs uniformes et
l’odeur de leur sueur saine, mélangée à celle causée par
l’angoisse de se voir éliminée se remarqua de loin.
Lucie se tint avec bravoure, mais
n’avait pas compté sur la malhonnêteté de son adversaire la plus
farouche, une fille à dents particulièrement longues. Celle-ci,
sous prétexte d’un faux pas, envoya un redoutable coup de pied
dans la cheville de Lucie qui tomba par terre en poussant un grand
cri de douleur.
A cet instant Lucie crut apprendre une
évidence de la vie. Le but justifie les moyens. Elle se leva
aussitôt, mais fut contrainte de sortir du rang et endurer un
châtiment exemplaire pour interruption du spectacle. L’institutrice
se servait avec grande habilité de la cravache dont Lucie dut
compter les coups à haute voix avant d’être envoyée sous la
douche, en passant le long corridor bordé des spectateurs au milieu
de la salle.
Elle pleurait à haute voix de douleur
et d’injustice dont témoignait son derrière, abrité uniquement
par le mince fil du maillot string. Elle saisissait mieux l'intérêt
de cette découpe si singulière et se sentit profondément rabaissée
non pas à cause de sa punition publique, mais à cause de son
élimination aux préliminaires. Elle réalisa avec quel plaisir elle
eût aimé adhérer à cette troupe. Il s’agissait moins de son
envie de se distinguer pour ses mérites devant Nadège et l’assemblé
dans la salle que de la satisfaction retenue par une forme de loisir
qui lui convenait. Elle s’était toujours considérée
comme une individualiste invétérée. Là, elle avait découvert
l'allégresse de se confondre dans un groupe et de rallier sa force à
celle des autres. Il n’en restait que ses larmes.
Quelle fut sa surprise quand – après
sa douche et habillée de nouveau – elle s’apprêta à rejoindre
Nadège dans la salle pour rentrer à la maison.Devant ses yeux ébahis ses anciennes
rivales furent déshabillées de leur uniforme pour comportement
inadmissible et reçurent de magistrales corrections pour mauvaise
fois et manquement grave à la camaraderie. Leurs uniformes
confisqués, elles durent rentrer à la maison en exposant leur
déshonneur par la nudité publique.
Lucie par contre eut droit à un quart
d’heure de gloire. Sous les applaudissements de l’assemble pour
sa réussite au concours d’admission, elle se vit conférée les
galons des « oiseaux bleus » sous forme d’épaulettes à
rajouter à sa tenue. Ses nouvelles camarades l’accueillirent d’une
manière chaleureuse qui fit du bien à Lucie.Faisant partie désormais de cette
société très hermétique, on lui expliqua les mœurs en vigueur
chez les « oiseaux bleus » qui la ravirent au plus haut
dégrée.
Quoi dire d’autres de cette journée
mémorable ?
Ah oui ! Elle apporta la preuve
qu’il fût possible de contourner les réglés de Nadège. Ce drôle
d’oiseau qu’était Lucie put sauver inespérément une partie de
ses plumes de sa pilosité intime. Comment et pourquoi ? Ceci
est une autre histoire.
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