jeudi 28 mai 2015

712 Mémoires d'une éducation sévère 15


8.1 Discussion entre femmes

Non Lucie, il est hors de question que je revienne sur ma décision. Le rendez-vous chez Bérénice est pris et tu t’y présenteras dans deux semaines comme convenu. Ne t’inquiète pas, je serai avec toi.

Lucie avait demandé un entretien entre femmes, expression que Nadège affectionnait tant. Ces conversations se passaient toujours autours d’une « bonne tisane ». Son aversion contre cette boisson, infâme à son goût, n’avait pas changée. Un jour elle osa en parler à sa tutrice qui l’écouta attentivement. Nadège ne prit jamais une critique à la légère et ne refusa jamais de faire tour d’une de ses règles de bonne conduite. Elle partait du principe que rien ne s’imposait sans raison et l’élève avait le droit « d’exiger » une explication. Cette transparence lui valut l’estime de sa protégée qui, malgré l’intransigeance sur les décisions prises, vit une porte à saisir pour améliorer ses conditions d’éducation.

Ce jeu de force la stimulait fortement. Elle aimait trop les défis et la difficulté ayant compris que la vie appartenait au plus habile. Chaque entretien avec Nadège lui parut comme un excellent moyen d’exercer sa technique d’argumentation et elle n’hésita rarement de saisir son droit ; au point que ces têtes à tête devenaient une habitude quasi quotidienne après le goûter. Ce moment de liberté renforça significativement le lien entre tutrice et élève.

Il en va de soi que Lucie sortait toujours perdante pendant des semaines. Elle n’en voulait rarement à Nadège et passa des longues heures à cogiter sur des meilleurs raisonnements pour la prochaine fois. En plus, Nadège ne considérait jamais un sujet comme clos. Lucie avait le droit aussi de revenir à tout moment sur n’importe qu’elle discussion en apportant de nouveaux éléments. Par contre elle n’admit pas une reprise sans fondement, motivée uniquement par une prise de tête. Dans ce cas elle rappela Lucie les conséquences d’un comportement de gamine en la traitant ainsi. Elle ne s’adressait plus à la raison de son élève, mais à sa peau des fesses, plus susceptibles de comprendre les règles du jeu.
Quant à la tisane elle écouta Lucie longuement avant de trancher :

Il en ressort que de ton aversion se base sur rien d’autre qu’une simple histoire de goût personnel. Pour te rassure, je n’aime pas la tisane non plus, mais j’en bois parce que je suis convaincu du bien fait.

Lucie fut stupéfaite. Il s’agissait de la première confidence intime -d’une très longue série - de la part de sa tutrice et il n’est pas exagéré de prétendre que Nadège gagna ainsi la confiance de sa protégée. Lucie savoura en quelque sorte sa première victoire et se sentit encouragée dans ses efforts. Cependant le contrecoup de sa découverte fut cher payé. Elle dut étudier un épais manuel sur l’art et l’utilisation de la tisane et se vit contrainte de contrôles écrits sur son savoir fraîchement acquis. Il est évident qu’en dépit de bon résultat, elle affronta le martinet jusqu’à ce qu’elle afficha de solides connaissances sans lacunes.

En cet après-midi pluvieux, Lucie exposa son point de vue sur l’épilation qui la menaçait. Et elle se prit mal. Elle évita bien sur l’origine de ses rougeurs, mais se basait en toute honnêteté sur ses craintes concernant la rentrée et la douche commune avec ses copines après la gym.

Une forte pilosité ne fait pas de toi une femme responsable ou plus mature qu’une autre. Tu n’as pas besoin de tes poils pour afficher ta féminité non plus. Je ne t’impose pas une telle mesure pour te ridiculiser devant tes amies, mais pour améliorer ta santé. Tu seras intégralement épilée que cela te plaise ou pas. C’est ton bien-être qui te fera comprendre le sens de cette mesure. Puis n’essaye pas de me faire croire que l’envie de dénoter ne fait pas partie de ta personnalité. Il serait temps que tu commences à t’assumer avec tes points forts et faibles.

Lucie se sentit vaincue et essaya de gagner un peu de liberté sur un autre terrain.

Dans un autre ordre d’idée,

commença-t-elle timidement,

je ne vois plus l’utilité de mes cours de gym. Nous en faisons assez tous les matins. Il serait plus judicieux que je choisisse un autre sport qui m’apportera des atouts complémentaires.

Tu as mûrement réfléchi ?

Il me semble…

Dans ce cas je ne vois pas d’objection. J’allais t’en parler de toute façon un de ces jours. Je verrais d’un très bon œil que tu t’inscrives à la fanfare comme majorette.

A suivre

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