5.2 Jour de courses
Les voisines sont une plaie. Mais il
faut leur sourire, répondre avec respect, se plier, faire des
courbettes, sinon c'est la déculottée...
L’épreuve du rayon martinet se passe
bien. Pas le moindre frisson de plaisir insolite, pas la moindre
manifestation d'humidité sous la culotte blanche en coton. Ni la
moindre tentation de glisser la main sur le cuir des lanières qui se
tendent vers un potentiel acheteur. Rien à signaler, tout vas bien.
C’est jour de fête. Comble de chance aucune jeune fille au
magasin. Lucie se sent revivre.
Il ne manque que le gruyère râpé
dans le chariot pour le gratin de midi. Il lui tarde de rentrer au
plus vite. Mais Nadège est bavarde et semble de mèche avec la
crémière. Cela parle de tout et de rien. Lucie est assez honnête
d’admettre que pour suivre une discussion entre ses amies et elles,
cela doit être aussi barbant pour une personne extérieure de leur
cercle. Elle se croit tellement adulte en ce moment, malgré son
accoutrement de collégienne attardée. Elle est devenue complice des
grandes, elle a saisie leur secret. Les adultes sont des grands
enfants qui s’entourent de manières bien codées. Il suffit en
fait de comprendre ce langage pour se glisser parmi eux. Elle sent le
secret de la maturation.
Mais
d’où vient cette épouvantable odeur ?
Elle a prononcé sa pensée à haute
voix. Le regard de Nadège la fusille. Lucie vient de commettre son
premier faux pas en public sans l’avoir voulu. Les effluves de la
maturation du fromage ont provoqué une malheureuse confusion entre
réflexion et mémoire olfactive. Elle revoit son pire souvenir.
Cette fois-ci ce n’est plus une connaissance lointaine qui s’attire
les foudres de Nadège, mais c’est elle.
Lucie
que dois l’entendre de ta bouche ?
Lucie rougit, pas pour la bêtise qui
lui vaut la réprimande, mais parce qu’elle connaît trop bien la
suite de l’aventure.
Je
crois que j’en connais une qui n’aura plus froid sur les fesses
sous sa petite jupe dans un petit instant
, dit la vendeuse avec une malignité
joyeuse. Ses yeux crachent du feu tellement elle s’enflamme à
l’idée d’assister à un beau spectacle.
Si
j’avais seulement le martinet dans mon sac à main,
s'exclame Nadège.
Je
te signale notre rayon de discipline. Tu trouveras sûrement ton
bonheur. Si tu veux je peux vous accompagner pour les conseils.
Nadège accepte l’offre généreuse
et suit la crémière en tenant Lucie par une oreille. Elle est une
cliente exigeante, se fait expliquer les nouveautés, prends des
renseignements sur la qualité du cuir, évalue la longueur des
lanières et insiste même sur les questions d’entretien pour
garder l’instrument dans un état impeccable. Bref, elle est très
difficile et rien ne semble lui convenir. La vendeuse ne lâche pas
prise et lui confie enfin que le magasin vient de recevoir une
nouvelle collection « plus mode » pour « tenter
plus les jeunes filles » par de modèles « branchés».
La surprise est de taille quand elle
déballe l'étonnante panoplie. Il y a toutes les coloris y compris
du rose et du fluo et comme clou de l’assortiment, du cuir imprimé
jeans, façon stone, bleu et lavé.
Elle
sont trop chou Lucie. Tu ne trouves pas ? Choisie celui qui te
branche le plus. Mais je sais déjà ce qui te ferait le plus de
plaisir. Et si nous prenions du jean bleu ? L’effet usé ne
tardera pas avec toutes tes bêtises.
Lucie se demande si Nadège ne se moque
pas d’elle en imitant le langage entre copines. Avec Nadège on ne
sait jamais. Elle reste un mystère à part entière.
Sa tutrice se tourne vers la vendeuse :
Tu
sais entre Lucie et le martinet, c’est une histoire d’amour. Elle
le réclame sans arrêt.
Devant le rayon fromage, en plein
courant d’odeur Lucie doit se pencher sous le bras gauche de Nadège
qui la tient fermement. La tutrice se contente de relever la jupe de
sa protégée et de baisser sa culotte. Le derrière de Lucie
apparaît pour tester un martinet de la collection « nouvelle
génération ». Les voisines présentes au supermarché
arrivent pour parfaire leurs connaissances. Le bruit de la fessée
témoigne de l’excellente qualité de la marchandise et les marques
qui se dessinent vantent le cuir d’une vache sélectionnée qui n’a
pas laissé sa vie inutilement. Au sujet de l’efficacité du
dispositif disciplinaire, les cris enragés de Lucie sont la
meilleure publicité pour convaincre un acheteur hésitant.
La fin de la fessée se passe sous un
applaudissement général. Difficile d'évaluer la cause : soit
une Lucie qui doit de préparer à rentrer la culotte baissée avec
la jupe épinglée au chemisier (décidément on en trouve de tout
dans ce commerce rural), soit un produit qui su convaincre les
ménagères avisées. Nadège prononce le mot final pour lever la
séance tuperware :
Ceci
n’était qu’un avant goût, ma chérie. Attend que nous soyons
rentrées à la maison. Tu prendras ta médecine toute nue.
Qui s’étonne qu’une frénésie de
consommation s’acharne sur le rayon discipline. Notre héroïne se
voit même offrir un bon de réduction pour l’achat d’un deuxième
martinet.
Tu
devrais piocher dans ta tirelire. Une telle offre ne se refuse pas,
dit Nadège pendant que Lucie s’excuse
auprès de la crémière pour son comportement inadmissible, bien
contrainte en plus de la remercier chaleureusement pour sa
générosité.
Le soleil est encore plus radieux quand
la tutrice et son élève quittent le magasin. Visiblement la
démarche étrange de Lucie, occasionnée par la culotte baissée,
renforce sa bonne humeur.
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