mercredi 8 avril 2015

684 Mémoires d'une éducation sévère 10


5.2 Jour de courses


Les voisines sont une plaie. Mais il faut leur sourire, répondre avec respect, se plier, faire des courbettes, sinon c'est la déculottée...

L’épreuve du rayon martinet se passe bien. Pas le moindre frisson de plaisir insolite, pas la moindre manifestation d'humidité sous la culotte blanche en coton. Ni la moindre tentation de glisser la main sur le cuir des lanières qui se tendent vers un potentiel acheteur. Rien à signaler, tout vas bien. C’est jour de fête. Comble de chance aucune jeune fille au magasin. Lucie se sent revivre.

Il ne manque que le gruyère râpé dans le chariot pour le gratin de midi. Il lui tarde de rentrer au plus vite. Mais Nadège est bavarde et semble de mèche avec la crémière. Cela parle de tout et de rien. Lucie est assez honnête d’admettre que pour suivre une discussion entre ses amies et elles, cela doit être aussi barbant pour une personne extérieure de leur cercle. Elle se croit tellement adulte en ce moment, malgré son accoutrement de collégienne attardée. Elle est devenue complice des grandes, elle a saisie leur secret. Les adultes sont des grands enfants qui s’entourent de manières bien codées. Il suffit en fait de comprendre ce langage pour se glisser parmi eux. Elle sent le secret de la maturation.

Mais d’où vient cette épouvantable odeur ?

Elle a prononcé sa pensée à haute voix. Le regard de Nadège la fusille. Lucie vient de commettre son premier faux pas en public sans l’avoir voulu. Les effluves de la maturation du fromage ont provoqué une malheureuse confusion entre réflexion et mémoire olfactive. Elle revoit son pire souvenir. Cette fois-ci ce n’est plus une connaissance lointaine qui s’attire les foudres de Nadège, mais c’est elle.

Lucie que dois l’entendre de ta bouche ?

Lucie rougit, pas pour la bêtise qui lui vaut la réprimande, mais parce qu’elle connaît trop bien la suite de l’aventure.

Je crois que j’en connais une qui n’aura plus froid sur les fesses sous sa petite jupe dans un petit instant

, dit la vendeuse avec une malignité joyeuse. Ses yeux crachent du feu tellement elle s’enflamme à l’idée d’assister à un beau spectacle.

Si j’avais seulement le martinet dans mon sac à main,

s'exclame Nadège.

Je te signale notre rayon de discipline. Tu trouveras sûrement ton bonheur. Si tu veux je peux vous accompagner pour les conseils.

Nadège accepte l’offre généreuse et suit la crémière en tenant Lucie par une oreille. Elle est une cliente exigeante, se fait expliquer les nouveautés, prends des renseignements sur la qualité du cuir, évalue la longueur des lanières et insiste même sur les questions d’entretien pour garder l’instrument dans un état impeccable. Bref, elle est très difficile et rien ne semble lui convenir. La vendeuse ne lâche pas prise et lui confie enfin que le magasin vient de recevoir une nouvelle collection « plus mode » pour « tenter plus les jeunes filles » par de modèles « branchés».

La surprise est de taille quand elle déballe l'étonnante panoplie. Il y a toutes les coloris y compris du rose et du fluo et comme clou de l’assortiment, du cuir imprimé jeans, façon stone, bleu et lavé.

Elle sont trop chou Lucie. Tu ne trouves pas ? Choisie celui qui te branche le plus. Mais je sais déjà ce qui te ferait le plus de plaisir. Et si nous prenions du jean bleu ? L’effet usé ne tardera pas avec toutes tes bêtises.

Lucie se demande si Nadège ne se moque pas d’elle en imitant le langage entre copines. Avec Nadège on ne sait jamais. Elle reste un mystère à part entière.

Sa tutrice se tourne vers la vendeuse :

Tu sais entre Lucie et le martinet, c’est une histoire d’amour. Elle le réclame sans arrêt.

Devant le rayon fromage, en plein courant d’odeur Lucie doit se pencher sous le bras gauche de Nadège qui la tient fermement. La tutrice se contente de relever la jupe de sa protégée et de baisser sa culotte. Le derrière de Lucie apparaît pour tester un martinet de la collection « nouvelle génération ». Les voisines présentes au supermarché arrivent pour parfaire leurs connaissances. Le bruit de la fessée témoigne de l’excellente qualité de la marchandise et les marques qui se dessinent vantent le cuir d’une vache sélectionnée qui n’a pas laissé sa vie inutilement. Au sujet de l’efficacité du dispositif disciplinaire, les cris enragés de Lucie sont la meilleure publicité pour convaincre un acheteur hésitant.

La fin de la fessée se passe sous un applaudissement général. Difficile d'évaluer la cause : soit une Lucie qui doit de préparer à rentrer la culotte baissée avec la jupe épinglée au chemisier (décidément on en trouve de tout dans ce commerce rural), soit un produit qui su convaincre les ménagères avisées. Nadège prononce le mot final pour lever la séance tuperware :

Ceci n’était qu’un avant goût, ma chérie. Attend que nous soyons rentrées à la maison. Tu prendras ta médecine toute nue.

Qui s’étonne qu’une frénésie de consommation s’acharne sur le rayon discipline. Notre héroïne se voit même offrir un bon de réduction pour l’achat d’un deuxième martinet.

Tu devrais piocher dans ta tirelire. Une telle offre ne se refuse pas,

dit Nadège pendant que Lucie s’excuse auprès de la crémière pour son comportement inadmissible, bien contrainte en plus de la remercier chaleureusement pour sa générosité.

Le soleil est encore plus radieux quand la tutrice et son élève quittent le magasin. Visiblement la démarche étrange de Lucie, occasionnée par la culotte baissée, renforce sa bonne humeur.

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