jeudi 12 mars 2015

669 Situer la honte qui accompagne le fantasme de la fessée


Être le sujet de ses fantasmes

Difficile, à moins de connaître la littérature allemande sur le bout des doigts, de voir mon allusion au célèbre écrivain allemand Heinrich Mann  et son non moins célèbre roman : Le sujet de son empereur. Mais il est encore plus difficile, à moins de lire l'allemand dans le texte de savoir où je veux en venir...

...et ceci par une liberté de la traduction française pour le moins que l'on puisse dire étonnante.

Car dans l'original, lors que Mann raconte la jeunesse de son personnage, on y trouve un petite phrase qui tue et qui a su me poser d'importantes problèmes métaphysiques. En enlevant ainsi l'innocence si j'ose dire de mes petits rêveries de punition pour les placer dans un tout autre contexte, celui de la subordination envers une hiérarchie dont je ne partage pas les valeurs. Mieux encore, pour décrire l'âme d'un loyal futur sujet de son empereur, il établit un lien entre les froides puissances qui gouvernent l’Allemagne à l’époque wilhelmienne et une certaine volupté de leur obéir. Cette volupté peut sembler à ce stade du livre une pure et subjective interprétation de ma part, mais s'avère confirmée plus tard dans par les préférences de la vie sexuelle de notre « sujet ». Nous trouvons ainsi ce passage :

...cette froide puissance dans laquelle il se trouvait douloureusement engrené, faisait son orgueil. Le jour d'anniversaire du directeur on pavoisait la chaire et le tableau noir. Didier fit plus, il enguirlanda le tuyau du poêle.

Dans l'original nous trouvons à la place de « tuyau de poêle » le mot Rohrstock (la canne) !

Je me pose presque la question, si le traducteur de ce livre n'avait pas eu - comme moi - le choc de sa vie pour changer le contenu de l'original à ce point. A moins qu'il y ait une subtilité de la langue française qui m'échappe...

Étant ado, en lisant ce paragraphe j'ai marqué un net temps d’arrêt. Me rendant compte d'une grande gêne s'emparant de moi. Ce n'est pas le fait en relisant ces phrases de me « mouiller la culotte », de me sentir perverse en cachette, qui me mettait mal à l'aise, mais l'idée de me trouver un important point en commun avec un personnage (bien qu'inventée) jusque là, antipathique à souhait pour moi. De plus à cette époque j'étais encore peu familière avec le concept du masochisme social qui - jumelé avec un masochisme érogène - peut provoquer de forts émois. En gros...

... de s'enivrer de fantaisies jouissives qui tournent autour du fait de se faire corriger par un personne qui représente une autorité pour nous et d’apprécier voluptueusement ce traitement.

Notons la délicatesse de la situation qui a valu en quelque sorte toute ma compassion pour ce pauvre Didier que je voyais poussé dans un rôle de sujet par un souterrain fantasmatique défavorable. Notons aussi à quel point cette constellation semble bien expliquer la psychologie de certaines personnes, farouchement opposées à toute forme d'autorité. Il serait ô combien intéressant d'être petite souris pour mieux connaître leurs fantasmes punitives. Évidement pour faire la part des choses, il suffit de comprendre que notre libido, notre moi et nos rapports affectifs aux autres existent indépendamment des uns des autres. Ce qui veut dire avec d'autres mots que toutes les constellations imaginables puissent exister.

Pour ma part ma honte associée à ce fantasme se porte moins sur l'originalité libidinale, mais sur les conséquence sociales, imaginées ou réelles.

Si j'avais un fantasme purement érotique de la fessée, en m'imaginant de me m'allonger sur les genoux d'un monsieur vicieux (ou d'une dame vicieuse!), me claquant fortement mes fesses en laissant balader ses mains dans mon entrejambe, je n'aurais jamais écrit un blog. Ceci dit, j'aime aussi cette forme de fessée. A petite dose, comme un extra, comme préliminaire ou but en soi. C'est donc grâce à Heinrich Mann (entre autres) que j'ai commencé à m’intéresser de plus près au constructions fantasmatiques. Ce qui tombait bien car nous avions eu à la même époque Freud au programme de philosophie. Et le prof de philo...était craquant. Alors, en l'écoutant, à défaut de pas pouvoir le séduire, je m'imaginais appelée par lui devant toute classe pour devoir me pencher sur son bureau pour recevoir quelque coups de canne pour inattention permanente. Déculottée, cela va de soi. Difficile à dire ce qui m'émoustillait le plus dans cette fantaisie. Le fait de me voir corrigée par un homme fort attirant ou le fait de devoir montrer mon fessier tout nu au reste de classe. Donc par conséquence à quelques princes charmants déjà séduits ou en cours de séduction. Dans les deux constellations ma honte jouait un rôle important, mais cette fois-ci elle ne s'opposait pas à ma raison et mes considérations éthiques...

25 commentaires:

  1. Bonjour Isabelle,

    Chacun de vos récits est une découverte. Je ne suis pas du tout un spécialiste de la littérature allemande si ce n'est le nom et quelques œuvres de quelques grands auteurs tel que Goethe, en particulier ("Goethe dans la campagne romaine " est un tableau peint à l'époque romantique , amorcée par les auteurs allemands vers 1820-1840).
    L'avantage d'être auteur, de théâtre en particulier, est de faire vivre et de faire dire par la voix de son personnage créé de toutes pièces, des "vérités" et autres évidences criantes que le commun des mortels n'aurait pas osé murmurer ou avouer .
    Et Molière, en son temps, en a fait un usage abondant, en mettant en valeur les pbs et travers de la société au temps du Roi-Soleil . Relisons le Tartuffe ou : l'Imposteur ), le Misanthrope, Scapin , l'Avare, entre autres...Bien qu'il connu parfois des démêlés avec les autorités religieuses( Les Faux-dévots).
    Dans le domaine pictural, il faut...ruser (Rires).Le rire permet parfois de dire des choses assez justes. Il peut devenir une arme à double tranchant.
    Attention donc à ne pas se blesser soi-même.
    Mac-Miche.

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    1. Je n'ai jamais lu Molière, cher Monsieur Mac-Miche. Mais ce grand monsieur est tout de même présent dans mes études privées... sur notre fantasme. Bien avant la psychanalyse il semble se pencher dans ses œuvres sur le culte de l'idéal du moi (en gros la projection de nos propres ambitions) et le désir de briller chez certaines personnes. En résultent donc des pièces de théâtre qui mettent en scène une imposture qui est dévoilée petit à petit pour couvrir l'imposteur du ridicule au grand plaisir du spectateur. Un peu comme celui qui se fait déculotter publiquement pour se prendre une fessée devant tout le monde. Je n'ai pas encore eu le temps d'étudier en détail les différentes pistes, car au lieu d'étudier sagement j'écris des articles pour mon blog... voilà qui mériterait bien une fessée !

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  2. J'ai raté le Rohrstock enguirlandé! Bon sang, je ne devais pas être en forme ce jour-là.
    Ma dernière prof d'allemand (déjà à l'université) avait fait une digression enflammée dans son cours qui parlait plus de la constitution de la BRD que de littérature, pour nous engager à lire Der Untertan - je ne savais même pas que la traduction française ajoutait "... de l'Empereur" au titre. Elle avait, sans doute avec raison, une grande admiration pour ce roman et pour son auteur qu'elle disait préférer à Thomas Mann. Bon, j'ai raté la canne enguirlandée (franchement, je regrette parce que l'image est belle... ça vaut presque le "mât dévêtu" chez Mallarmé!), mais, si je me souviens bien, le roman commence avec une scène où Diederich enfant se prend une sacrée raclée par son père, et arrive juste après à en être fier, se sentant supérieur à ceux que l'autorité suprême (le père) ne daigne pas même rosser. Ce qui résume bien cette plaie de "personnalité autoritaire" dont il est l'idéal-type. Je ne sais pas si j'irais jusqu'à parler de "pauvre Didier" - en tout cas, je crois que c'est plus de tendresse que l'écrivain n'en avait pour son personnage.
    Mais tu m'as bien fait rire (tout en me rappelant que mon allemand est en train de rouiller tranquillement)...

    Simon

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  3. Pour ma part j'adore Heinrich Mann et il fait partie de mes trois écrivains préférés en langue allemande. J'ai une fascination encore plus grande pour son Roman Professor Unrath (L'ange bleu). Ceci dit, la canne et les punitions corporelles à l'âge adulte semblent être une spécialité chez les Mann. Autant que Diederich, « le sujet » apprécie que sa femme l'applique le canne sur lui, autant chez Klaus Mann (fils de Thomas) dans le roman Mephisto le personnage principal apprécie les coups de canne de la part de sa maîtresse.

    Ma compassion pour « le sujet » par le biais de mon fantasme de fessée , m'a clairement fait comprendre que certains liens dans notre tête sont difficiles à démêler et pour ceci on gagne beaucoup de temps à faire appel à un professionnel. Bref à un psychanalyste et non pas à un psychiatre, car la motivation d'une telle démarche n'est pas un souffrance. J'ai pu alors rencontrer « mon professor Unrath », un adorable philosophe recyclé dans l'analyse. Phase de ma vie fort instructive...

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  4. Bonjour Isabelle,

    Je me retrouve bien dans votre démarche auprès d'un spécialiste en psychanalyse comme je vous l'avais évoqué dans mon cas personnel.
    Je me souviens pendant mes années d'IUT, à Toulouse, en 1990, en pause détente, notre professeure d'Allemand nous avait projeté le film "L'Ange Bleu" avec la belle et mystérieuse Marlène Dietrich dans le rôle de Lola auprès de dans laquelle le vieux professeur Unrath, si strict dans sa vie privée, se laisse aller dans ses derniers retranchements auprès dans les bras de ce bel ange de la nuit...Le film était en VO sous-titrée.
    En revanche, le personnage de Méphisto a t-il un rapport lointain avec celui du "Dr Faust" , oeuvre que l'on pourrait rapprocher du film "La Beauté du Diable" joué par Gérard Philipe et Michel Simon. Je suis curieux...
    Mac-Miche

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  5. Je connais bien le Faust de Goethe, mais je n'ai pas trouvé de parallèle avec le roman de Klaus Mann. Mais bon, le thème du diable semble avoir inspiré pas mal de personnes. Je lis de la littérature un peu pour mon plaisir sans vraiment m'y connaître, cher Monsieur Mac-Miche ! En gros je passe plus de temps dans les livres de science... rire !

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    1. Bonsoir Isabelle,

      Je me souviens qu'en Philosophie, en Terminale G1 (Secrétariat- Techniques Administratives) en 1986, j'avais étudié pour l'épreuve du Bac un extrait d'une œuvre de Heidegger mais le titre m'échappe.
      Ce qui m'avait le plus intéressé c'était le rapport entre Philosophie et Histoire et sa dialectique. En TG1, le coefficient était seulement de 2.
      La Science m'intéresse également, en particulier la Paléontologie et l'origine des espèces actuelles et ce, depuis... 1976. Mais je digresse, je digresse... Mille excuses, Isabelle. Bon WE. Mac-Miche

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    2. Heidegger ! Hein bien voilà l'existentialiste et la question de notre singularité...

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    3. Bonjour Isabelle,

      J'étais donc sur la bonne voie ! Merci Isabelle !
      Il me semble que l'extrait étudié émanait du livre : "Introduction à la métaphysique "(1952) si ma mémoire est encore bonne...
      Bon WE. Mac-Miche

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  6. Le fameux sérum serait donc la fessée !
    La fessée ! Encore elle, toujours elle...

    J'imagine le plateau de l'opéra ( le vrai, le garnier !) et la fessée administrée...
    Il faudrait au moins Chaliapine dans le rôle !

    PS : une pensée pour l'immense Schwarskoff, martyrisée par son odieux mari.

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  7. Il y a tout de même quelque chose dans le Faust qui s'approche de notre fantasme. Faust semble être à la recherche d'un instant si beau qu'il souhaite qu'il perdure à l’éternité. Si on observe attentivement la fessée, il s'agit également de la recherche d'un instant, mais un instant auquel nous ne pouvons pas échapper. C'est par le biais de la douleur de que nous sommes contraints d'être pleinement dans cet instant, sorte de révélation existentialiste qui éclipse tout le reste. Plus de passée, pas de futur avec une sensation « je suis »...

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    1. Bonjour Isabelle,

      Faust ou l'éternelle jeunesse: un titre ô combien rassembleur. Rires.
      En 1979, la TV avait diffusé une mini-série intitulée "Joseph Balsamo" où l'éternel casse-cou Jean Marais y jouait l'intrigant comte de Cagliostro, un personnage à la fois mage, voyant et médecin versé dans l'Alchimie comme on disait et qui manipulait son entourage à ses fins. Il avait mis au point une sorte d'élixir de jouvence. Bref quelqu'un de puissant et la série tournait autour de ses aventures. A ses cotés : l''acteur Guy Tréjean dans le rôle du Roi Louis XV. Peut-être vous en souvenez-vous ? Plus récemment, en 1996, sortait le film : "Ma vie est un enfer" avec Daniel Auteuil, Josiane Balasko et Michel Lonsdale , dans la même veine mais une version plus moderne (?) du mythe ...

      (PS : vous devez vous demander : quelle mémoire... du cinéma, oncle Mac ! Rires. Une bonne mémoire... tout court .)

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    2. Enfin cher Monsieur Mac-Miche comment voulez-vous que je me souvienne d'une série diffusé en France tandis que je vivais en Allemagne et surtout que j'avais... 2 ans !

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    3. Bonjour Isabelle,

      En effet, je comprends parfaitement ma méprise...
      Cependant, justement, si vous étiez proche de la frontière, et peut-être face à l'Alsace, pouviez-vous regarder quelques temps plus tard, les chaines françaises ? Simple curiosité, bien sûr !
      Bon Dimanche. Mac-Miche.

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    4. Ce n'est pas grave. Quand je parle de mon pays d'enfance, les Bas-Rhin, le Niederrhein, cette région ne se confond pas avec celle limitrophe de l'Alsace, connu en France, mais désigne une partie de l'Allemagne au nord de Cologne en suivant le Rhin. Voila qui peut induire ne erreur. Ceci dit, je en suis pas une spécialiste de la télé. Ni allemande, ni française. Idem ma fille qui préfère surfer sous youtube pour choisir ses propres programmes...

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    5. Bonjour Isabelle,

      Je comprend mieux votre enthousiasme pour le fameux Carnaval annuel... C'est également une grande région industrielle, du moins de réputation, si la crise économique ne la pas sinistrée (à l'inverse des mine d'Alsace-Lorraine). Bref. Merci pour l'info.
      Mac-Miche.

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    6. J'espère que vous ne croyez tout de même pas que l'herbe serait plus verte ailleurs, cher Monsieur Mac-Miche!

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  8. Ma chère Isabelle, j'avoue avoir honte de n'y avoir point pensé.
    Je fesse donc je suis.
    Il nous faut prendre la route de La Haye, où vont fleurir les porte-jarretelles.

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  9. Idem cher Monsieur Why Not. J'avais pensé au « je suis fessée donc je suis » , en oubliant l'autre versant ! Par contre j'ignore le lien entre La Haye et les porte-jarretelles !

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  10. Je ne puis fermer mon écran sans rappeler la devise de l'adjudant, au moment qu'il découvre - et redécouvre - les séductions cartésiennes : j'emmerde, donc je suis.

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  11. J'aurais plutôt un penchant pour la pragmatique de Saint Augustin : Car si je me trompe, je suis, puisque l'on ne peut se tromper si l'on n'est.

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  12. A force de tout voir, l'on finit par tout supporter... A force de tout supporter, l'on finit par tout tolérer...
    A force de tout tolérer, l'on finit par tout accepter... A force de tout accepter, l'on finit par tout approuver...

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  13. Très pragmatique aussi. Quand on commence à s'engager dans certaines voies comme la discipline domestique mieux vaut bien savoir d'avance où l'on veut aller...

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    1. Ma chère Isabelle,
      n'allons-nous pas, tous les deux, vers une pragmatique sanction ?

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  14. Je n'en sais rien pour votre part, cher Monsieur Why Not. Quant à moi je trouve mon « quota » de sanction largement suffisant...

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